Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 18.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
269
TANNERY. — la physique de parménide

contraires qui semblent lutter ensemble, prédominer tour à tour ou s’équilibrer dans cette constitution ; le premier il conçoit la santé comme résultant d’un tempérament entre ces contraires, la maladie comme suite de l’excès de l’un d’eux[1]. L’Eléate conserve la même idée en réduisant à un seul tous ces couples de contraires, et par une extension que son précurseur n’aurait sans doute pas contredite, il entend que ce « tempérament » des contraires détermine l’homme tout entier, aussi bien au moral qu’au physique.

Ainsi, sur les diverses points envisagés jusqu’à présent, si Parménide ne suit point les expositions d’Alcméon, s’il le dépasse singulièrement par la portée de ses affirmations, il ne se trouve nullement en opposition avec lui ; loin de là, ils semblent bien appartenir à une même école, et si peut-être il y avait entre leurs écrits des contradictions de détail, on doit probablement les imputer au peu de précision des concepts et de la langue de leur temps.

Si par exemple les Placita[2] disent que Parménide plaçait le principal (τό ἡγεμονικόν) dans la poitrine, Alcméon dans le cerveau, comme il est certain que ni l’un ni l’autre n’ont employé l’expression dont se sert le doxographe, et que ces prétendues opinions ont été déduites de passages qui avaient un sens beaucoup plus vague, il est impossible de conclure à une contradiction voulue.

Mais il est temps d’arriver au sujet spécial que l’un et l’autre avaient traité avec assez de détails pour qu’il fût possible d’en conclure si de fait, Parménide avait suivi Alcméon au moins dans certaines parties de son ouvrage. Ce sujet, c’est celui de la génération humaine, et en particulier de la cause qui détermine le sexe dans l’embryon.

Censorinus, qui est la source à consulter dans l’objet, constate l’accord de Parménide et d’Alcméon sur deux points capitaux ; l’un que la femme donne une semence qui contribue, comme celle de l’homme, à la naissance de l’enfant ; l’autre que le sexe dépend des conditions du mélange des deux semences[3]9. À ne comparer que les deux données de Censorinus sur ce second point, on pourrait croire même que l’accord était complet ; mais il n’en est rien, quoiqu’on puisse ramener à un sens très voisin de l’opinion d’Alcméon les vers latins traduits de Parménide que Cœlius Aurelianus

  1. Placita, v. 30, I (Doxog., p. 442).
  2. IV, 5 et IV, 17 (Doxog., p. 391 et 407).
  3. Ex quo parente seminis amplius fuit, ejus sexum repræsentari dixit Alcmaeon… inter se certare feminas et mares et penes utrum victoria sit ejus habitum referri auctor est Parmenides.