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TANNERY. — la physique de parménide

voies qui restent ainsi à la critique, en déterminant, grâce aux contradictions de Xénophane, un point spécial de la doctrine de Pythagore ; j’entreprends aujourd’hui d’aborder la seconde voie.

Il est clair qu’il faut s’adresser aux écrivains que la tradition met en relation avec Pythagore ou avec ses disciples immédiats ; ces écrivains sont au nombre de trois, Alcméon de Crotone, Parménide et Empédocle[1]. Il est hors de doute que les opinions de l’Éléate doivent être la source la plus importante.

Empédocle en effet est, trop éloigné de Pythagore pour que de son temps la doctrine de l’école n’eût pas déjà subi une élaboration susceptible de lui apporter de profondes modifications ; l’Agrigentin a d’ailleurs été soumis à d’autres influences, enfin il a, pour la physique, une originalité propre incontestable.

Quant à Alcméon, les fragments qui en restent sont si peu importants que l’on ne peut espérer en tirer une lumière suffisante. Ce qu’on connaît de Parménide est au contraire relativement considérable, et ce qu’il y a de particulièrement précieux, c’est, comme je l’ai dit plus haut, qu’il expose des opinions qui lui sont en réalité étrangères.

Mais pourra-t-on dès lors considérer sans plus toutes ces opinions comme purement pythagoriennes ? Évidemment non ; il faudra au contraire une critique minutieuse pour discerner à chaque instant si nous nous trouvons en présence d’un emprunt authentique fait à l’école, ou bien, comme l’indique Zeller, d’une réminiscence des poèmes cosmogoniques, d’une théorie venue de l’Ionie, d’une formule que Parménide aura voulu marquer de son sceau personnel. Les éléments de cette critique nous seront d’ailleurs fournis naturellement par toutes les autres sources relatives au pythagorisme, en tant que nous pourrons les utiliser.

Cette voie pourra-t-elle nous conduire à la certitude historique ? Il ne faut pas se faire d’illusions à cet égard ; actuellement l’histoire du pythagorisme antérieure à Philolaos est purement conjecturale ; il s’agit seulement d’émettre de nouvelles conjectures, et on devra s’estimer suffisamment heureux si elles arrivent à être plus plausibles que les anciennes, si elles permettent de jeter un peu plus de clarté dans les ténèbres et d’imaginer un peu plus fidèlement et le mystérieux point de départ de la doctrine pythagoricienne, et la lente évolution qu’elle subit sans doute au sein de l’école, avant d’être mûrie pour la complète révélation.

  1. On pourrait ajouter Épicharme, mais il ne semble pas que ses fragments puissent rien fournir pour le problème qui nous occupe.