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le jeune mammifère dans la matrice. Enfin, l’énergie des aliments, au début de la vie, s’épuise en grande partie dans la confection de certains appareils mécaniques ou distillatoires ; pendant l’âge adulte, dans la mise en marche de ces appareils.

La nourriture garde cependant toujours comme un souvenir de ses aptitudes premières ; elle a une certaine vertu réparatrice ou reformatrice. Quand nous disons la nourriture, c’est une façon de parler. Car cette vertu appartient proprement aux produits secondaires du développement du germe. Dans tous les cas, elle est renfermée dans des limites assez restreintes. En thèse générale, ce qui a été fait ne peut plus se refaire.

C’est pourtant une opinion accréditée que le corps des animaux se renouvelle dans son entier, si bien qu’au bout d’un certain laps de temps il n’y a plus en lui une seule des molécules qui le composaient autrefois. Sur quelles données se fonde-t-elle, c’est ce que nous verrons plus loin. Auparavant j’examinerai si elle est compatible physiquement et psychiquement avec le caractère d’identité que nous attribuons aux animaux par analogie avec nous-mêmes. Après quoi j’aurai a édifier sur d’autres principes la conception de l’organisme vivant.

I

L’identité physique d’un être tient à la présence continue en lui de quelque chose de substantiel, matière ou force. L’idée que nous pouvons en avoir n’est pas des plus claires. Nous disons d’un morceau de cire qu’il reste identique à lui-même bien qu’il change de forme, de couleur, d’odeur, de consistance. Mais, une fois brûlé, ce n’est plus de la cire. L’identité tient donc ici non-seulement à la matière, mais à la manière dont les atomes matériels sont groupés dans les molécules et à leur nombre. Quant aux atomes, nous les concevons comme indestructibles et comme restant ce qu’ils sont, même quand la cire est brûlée. Enfin les forces latentes de la cire sont, elles aussi, indestructibles, mais c’est d’une autre façon : elles se transforment en passant de la puissance à l’acte, et sont incapables de se retransformer d’elles-mêmes. Elles sont transitives et peuvent ainsi passer d’une matière dans une autre sous forme de mouvement ou de chaleur. L’identité de la cire est attachée autant à la nature et à la permanence des forces qui relient les atomes qu’aux atomes eux-mêmes. Une maison roulante que l’on transporte d’un lieu dans un autre