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LA MATIÈRE BRUTE ET LA MATIÈRE VIVANTE

L’ORIGINE DE LA VIE ET DE LA MORT


II

LA NAISSANCE ET LA MORT

Ici commence la partie délicate de ma tâche. Jusqu’à présent, j’ai pu m’appuyer tant bien que mal sur les résultats positifs de la science. La formule de la reconstitution des instables n’est que l’expression généralisée des lois qui président aux réactions chimiques ; et, quant au rôle que j’ai assigné à la nourriture, il est en conformité avec ce qu’on en sait aujourd’hui. J’ai dû seulement l’exposer en termes à moi propres, pour le rattacher intimement à la théorie des instables telle que je la conçois, et, remontant plus haut encore, au principe que j’ai énoncé et défendu ici même, de la fixation de force[1].

Pour ce qui va suivre, l’assise de la science positive me fait en quelque sorte défaut. Bien mieux, je me verrai forcé de révoquer en doute, de contredire même des résultats en apparence parfaitement établis. Mon audace a son excuse. Dans la supposition où je me fourvoierais gravement — ce qui ne m’étonnerait en aucune manière — mon erreur contiendrait, j’ose l’espérer, un certain fond de vérité, sur lequel pourrait s’élever un système plus plausible.

Quoique la mort soit une nécessité pour tous ou presque tous les êtres vivants, plantes, animaux, espèces même, elle se dérobe à notre investigation et reste pour nous un mystère.

Comme le dit quelque part Helmholtz, un petit nombre d’expériences nous suffisent pour affirmer que la chaleur dilate la colonne thermométrique ; mais si c’était la nature qui eût créé les thermomètres et qu’elle les eût placés dans un milieu inaccessible, où la chaleur serait en proportion de l’humidité, comment pourrions-nous nous

  1. Voir le Sommeil et les Réves, Rev. phil., février 1880.