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notices bibliographiques

l’école de ces théologiens et de ces philosophes qui, après avoir établi que Dieu est inaccessible à la connaissance humaine, nous détaillent, l’instant après, ses nombreuses perfections. Mais le philosophe de Hanovre nous semble échapper à ce reproche par sa théorie de la monade-âme humaine, qui est sans doute séparée de Dieu par un intervalle plus grand encore que celui qui éloigne l’homme des êtres organisés les plus infimes, mais n’en est pas moins apte à entrevoir ses principaux attributs.

Un peu plus loin M. Ritter rapproche deux citations sur l’origine des monades, entre lesquelles il veut qu’on fasse un choix. En un endroit, Leibniz les fait venir à l’existence « tout d’un coup » et par création ; en un autre, « par des fulgurations continuelles » de la divinité. — Il y voit le conflit entrer la doctrine de la création et celle de l’émanation. C’est là encore une exagération. Les germes de l’antinomie sont là, mais tout au plus à l’état latent. — Ce qui suit touche de plus près aux racines mêmes du système.

Sous le nom de monades, Leibniz admet l’existence d’une infinité de substances. « Créées ou émanées, dans les deux cas, remarque M. Ritter, ces monades sont dépendantes. » Qu’est-ce que des substances dépendantes, sinon une contradiction dans les termes ? Si la monade est le fond des choses, il ne la faut pas subordonner à un principe suprême, dont elle sortirait par telle ou telle voie. Est-elle une substance ? Ne l’est-elle pas ? — Ici, la contradiction ne me semble pas niable. Est-ce l’atomisme monadique qui se trouve cousu à la métaphysique traditionnelle ? est-ce celle-ci qui forme l’appendice de la monadologie ? Grosse question, sur laquelle il fallait chercher à faire la lumière et ne point passer si rapidement.

« Chaque monade, dit encore M. Ritter, réfléchit toutes les autres. La monade A reverbère la monade B, ei B reverbère la monade A. A reverbère donc A en tant que B le réfléchit. Mais cet A, réfléchi en A par l’intermédiaire de B, réfléchit lui-même à son tour B, lequel reproduit de son côté À réfléchi en B, et ainsi de suite à l’infini. La question est, en conséquence, de savoir si nous pouvons dire des monades non corporelles qu’elles réfléchissent les autres. » J’avoue ne pas bien saisir l’objection, Ces « réfléchissements » à la façon de deux miroirs placés l’un en face de l’autre, dépendront sans doute de la qualité des monades en jeu. Qu’est-ce d’ailleurs, cette connaissance qu’ont les monades réciproquement l’une de l’autre, que la théorie du microcosme ? N’étant toutes que des abrégés plus ou moins distincts de l’ensemble du monde, du moment où elles se connaissent elles-mêmes, elles connaissent toutes leurs sœurs. Je ne vois pas pourquoi l’auteur fait intervenir ici la distinction entre les monades corporelles et incorporelles.

« La monade, n’ayant pas de fenêtre, tire toutes ses conceptions du dedans. » il n’existe donc pour Leibniz, conclut notre auteur, d’autre connaissance que celle des idées ; nulle preuve de possession de l’objet. Comment donc peut-il avoir la prétention de savoir que les monades