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gie, Application de la monadologie à la nature, Harmonie du monde, L’homme. Notions innées et déterminisme, Dieu et religion. — Je remarque que M. Ritter insiste sur la doctrine de la continuité, qui en vaut assurément la peine. « Mutatis mutandis, dit l’écrivain hollandais, Leibniz a enseigné spéculativement ce que d’autres, en notre temps, enseignent sur la base d’une recherche empirique. » Suit une longue citation de Hæckel relative à Darwin. M. Ritter me semble perdre ici de vue des différences essentielles.

La troisième partie contient la critique, distribuée sous trois chefs : Les monades, — Dieu, — Déterminisme, téléologie et anthropologie, Elle est malheureusement très brève. Le peu que nous dit l’auteur, nous fait regretter une exposition plus large. Nous nous y arrêterons cependant un peu plus qu’à ce qui précède.

« Il y a, dit M. Ritter, deux sortes de critiques. La première, se plaçant au point de vue du système étudié, en fait ressortir les contradictions internes ; pour pratiquer la seconde, on se place objectivement en présence d’un système et l’on donne son jugement propre. Nous préférons suivre la première voie. » C’est en effet celle qui convient le mieux dans une monographie telle que l’étude que nous avons sous les yeux ; mais est-elle exclusive d’un autre ordre d’appréciations ? Les problèmes philosophiques ont singulièrement changé d’aspect depuis cent soixante-dix ans qu’a été écrite la monadologie. Quelle est la part de l’œuvre du philosophe de Hanovre que le temps a épargnée ou fortifiée, quels en sont les points condamnés ? Une telle recherche convient à notre goût croissant pour les études d’histoire de la philosophie comme à notre désintéressement de plus en plus visible à l’endroit des catéchismes tout faits du spiritualisme ou du matérialisme. À une condition toutefois : c’est que cette critique soit complétée, nous l’avons déjà indiqué, par la recherche de l’origine des différentes idées dont l’assemblage constitue l’originalité du système leibnizien, — Prenons toutefois ce que M. Ritter nous offre.

L’écrivain relève une première contradiction interne.

« Un système, dit-il, qui assure :

1o Qu’il y à une conception claire de l’être ;

2o Qu’une conception claire de l’être ne peut être la propriété de personne ;

« Un pareil système se détruit lui-même. »

Cette condamnation pourra paraître un peu sommaire. M. Ritter s’appuie sur ce que Leibniz affirme des perceptions des monades en général, qu’elles sont confuses. « Chaque monade se représente l’univers ; mais cette perception est aussi indistincte que le bruit de la vague sur la grève, Donc la doctrine de Leibniz nous refuse une connaissance claire des choses, donc elle nous interdit aussi cette vue des choses qu’on appelle monadologie. » Leibniz ne serait, d’après cela, ni le premier ni le dernier à avoir démontré hautement les bornes de la raison humaine, pour la lancer ensuite dans le dogmatisme. Il serait de