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d’Alexandre chez les Perses et la reproduction d’une remarquable brochure de philosophie politique, que l’auteur a fait paraître il y a deux ans sous le titre de : Coup d’œil sur l’histoire du peuple juif.

Maurice Vernes.


E.-Paul Guilly. La nature et la morale. In-16 carré, 208 p., Félix Alcan et Charavay frères. 2e édition, 1884.

M. Guilly a composé son livre, il le dit lui-même, dans « un but de vulgarisation élémentaire », et c’est aux lecteurs les moins habitués aux méditations philosophiques qu’il s’adresse spécialement. Il ne faut donc pas s’attendre à rien trouver de très original dans ces quelques pages. M. Guilly est pessimiste ; il a voulu montrer qu’on pouvait être convaincu que tout marche fort mal ici-bas et demeurer un très honnête homme, ne pas croire à la Providence et n’être pas tenté de dévaliser son prochain ; il y a très certainement réussi, mais il affirme plus qu’il ne prouve. Il s’est servi cependant d’un argument excellent, mais que par malheur il a trop peu développé : c’est que les principales d’entre les lois de la morale résultant de conditions naturelles que nous ne pouvons modifier, il est probable que nos conceptions métaphysiques sur l’ensemble du monde ne peuvent que dans une mesure restreinte influer sur notre conduite. M. Guilly a fort bien vu aussi que l’éducation ne pouvait que développer et diriger les instincts que nous tenons de nos ancêtres, mais que les plus beaux systèmes de morale étaient impuissants à rien créer et que, si nous désirons positivement faire du mal à autrui, les prédications les plus éloquentes ne nous contraindront pas à l’aimer : chaque arbre porte les fruits qu’il peut. Quant au problème que pose M. Guilly : Y a-t-il dans la nature de la morale et de la justice, il nous semble insoluble. Si, par nature, on entend l’ensemble des phénomènes, il en certain qu’il serait déraisonnable d’y rien chercher de tel. Si l’on suppose un principe supérieur aux phénomènes, on l’imaginera tel qu’on le désire ou qu’on le craint. Le cœur a ses besoins, il contraint l’intelligence à affirmer là où la raison reste muette : l’un est pressé de jouir, il trouve qu’ici-bas les douleurs l’emportent sur les joies, il nie qu’il y ait rien au delà de ce monde ; l’autre aime à espérer, il croit qu’un Dieu veille sur les hommes et règle tout par sa souveraine justice ; c’est affaire de sentiment, de croyance et ce nous semble une entreprise bien téméraire que d’essayer par des raisonnements de trancher, la question. L’impératif catégorique ne semble pas à M. Guilly un fondement suffisant pour édifier une morale ; il veut le remplacer par la pitié ; c’est la forme particulière que prennent les sentiments de sympathie, lorsqu’ils s’appliquent à ceux qui souffrent. Peut-être aurait-il mieux valu recourir aux sentiments sympathiques