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notices bibliographiques

M. Darmesteter en traite dans un chapitre intitulé Couples cosmogoniques.

Mais, remarquant que l’existence séparée du ciel et de la terre est postérieure au chaos originel, l’auteur croit pouvoir revenir par ce détour à « l’élément premier des systèmes passés en revue…, à la nuée : c’est dans la nuée d’orage que sont confondus le ciel et la terre, qui se forment en s’en dégageant. »

Un nouveau chapitre, le VIe, traite des cosmologies mystiques ; il nous expose « une conception plus dégagée des images naturalistes et qui mettait à l’origine des choses, non plus des forces matérielles et visibles, mais des forces mystiques et invisibles, celles du culte, à savoir le sacrifice et la parole, » Mais celle-ci peut encore se ramener à la première.

On peut juger par ces brèves indications de la portée de ce travail, dont la documentation est aussi précise qu’abondante. Emportera-t-il sans résistance la conviction de ceux qui le liront sous sa nouvelle forme ? Cela nous semble toutefois douteux. Cette tentative de réduire à l’unité des mythes souvent vagues et contradictoires, est bien osée ; la simplicité même des résultats obtenus ne laisse pas de nous inquiéter. On dirait que M. Darmesteter lui-même pressente l’objection et cherche à atténuer ce qu’il y a d’excessif dans sa thèse. En tout cas, elle soulève de très curieux problèmes et ne manquera pas de contribuer à leur élucidation.

Deux courts articles de bibliographie sont consacrés aux Prolégomèmes de l’histoire des religions de M. A. Réville et aux Mélanges de mythologie et de linguistique de M. M. Bréal. Le second contient d’intéressantes réflexions sur les théories religieuses de M. Bréal. Les formules mythiques sont pour lui essentiellement « des métaphores incomprises : la mythologie n’est qu’une maladie du langage. » À quoi l’on a objecté que le langage ne peut que créer « des mythes secondaires par le choc accidentel des formules mythiques déjà existantes ; il ne peut créer des mythes primaires : ceux-ci sortent de la contemplation directe du phénomène naturel ; ils jaillissent du cœur de l’homme, non de ses lèvres ; la mythologie est une maladie de la pensée et non du langage. » Nous approuvons M. J. Darmesteter de faire toutes réserves sur les dangers de l’explication étymologique et de revendiquer l’indépendance de la mythologie à l’endroit de la grammaire comparée. Cela est d’autant plus méritoire chez lui qu’il est philologue consommé et quelque peu enclin par la tournure de ses idées à l’esprit de système. Des faits précis, des dates, des séries, des filiations, voilà par quelle voie on constituera l’histoire des religions à l’état de discipline solide et inébranlable. M. Darmesteter est au fond de notre avis.

Le volume se termine par une intéressante étude sur la légende