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ment, François Lenormant au lieu de Charles (p. 55), Foucault au lieu de Foucaux (p. 41).

Le Dieu suprême dans la mythologie aryenne (pp. 106-133) a paru en traduction anglaise dans la Contemporary Review et en français dans la Revue de l’histoire des religions. M. Darmesteter prétend démontrer que la religion indo-européenne connaissait un Dieu suprême et que ce Dieu était le Dieu-ciel, qui a organisé le monde et le régit. C’est une étude d’un haut intérêt et dont les conclusions ne soulèveront sans doute que des réserves de détail,

Les cosmogonies aryennes (p. 135-207) sont, sans contredit, le morceau le plus original du volume. Les lecteurs de la Revue philosophique en ont eu la primeur. C’est un essai très hardi de fixer le principe qui a donné naissance aux cosmogonies théologico-philosophiques des principaux peuples indo-européens : Inde, Grèce, Perse, Scandinavie, etc. D’après M. James Darmesteter, la mythologie aryenne, dont le fond porte sur la lutte permanente des ténèbres et de la lumière, « des ténèbres qui sans cesse font rentrer le monde dans le néant, de la lumière qui sans cesse l’en fait ressortir », contenait « une cosmologie latente, qui, pour se dégager, n’eut qu’à reporter aux origines les procédés de renaissance que les mythes montraient en action permanente dans le monde. »

Le monde renaît sous nos yeux de trois façons, au sortir de l’hiver, de la nuit, de l’orage. Mais, de ces trois luttes des ténèbres et de la lumière, les deux premières, par leur caractère de régularité, se prêtent peu à donner l’image « du désordre primitif » non plus que du « coup d’État créateur ». L’orage, au contraire ; c’est lui, qui est le prototype de la cosmologie indo-européenne.

L’Inde nous présente sept formules cosmologiques : le monde viendrait des eaux, des ténèbres, de l’œuf, de la lumière, de l’amour, de la lutte, de l’arbre ou plante. Toutes ces idées nous reportent à la nuée d’orage.

Dans la Grèce, — et c’est la partie la plus curieuse et la plus nouvelle de l’étude de M. J. Darmesteter, — le monde naît également des sept principes offerts par la mythologie de l’Inde, c’est-à-dire « des mêmes éléments dont il renaît dans la nuée d’orage ». La parenté de ces deux conceptions y fait voir une tradition antérieure à la séparation des Hindous et des Grecs. La Perse et les Scandinaves en portent à leur tour l’empreinte, en dépit des modifications subies.

Cependant cette vue n’épuise pas les textes qui nous renseignent sur la cosmogonie mythique des principaux représentants de notre race. Force est à M. Darmesteter de faire place à « une autre série cosmologique, différente des précédentes et qui, au lieu de prendre son point d’appui comme celles-ci dans les régions de l’atmosphère nébuleuse, le prenait dans les deux vis-à-vis de l’atmosphère : le ciel et la terre. » Ce système est représenté par l’Inde, par la Grèce et par Rome.