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peut être indéfinie ; l’espace est la possibilité de l’étendue, il n’est pas la réalité de l’étendue, il n’est pas un attribut de Dieu, une vision pure de la sensibilité externe ; le temps n’est ni un être réel, ni la durée réelle de Dieu, ni la succession des choses, ni une forme à priori de la sensibilité interne, ni la mesure du mouvement, mais un simple défaut d’incompatibilité entre les éléments constitutifs de la durée finie.

Il serait trop long de justifier ou de combattre toutes ces conclusions qui portent sur les questions les plus discutées peut-être de la métaphysique, nous ne voulons que juger la valeur de la méthode employée. D’ailleurs ces résultats concordent en partie avec les résultats obtenus par des méthodes radicalement différentes et ne sauraient dès lors nous servir à juger la valeur des procédés mis en usage,

Indiquons d’abord ce que nous acceptons de la thèse soutenue par l’auteur. Les axiomes géométriques peuvent être démontrés, comme on Va déjà établi plus d’une fois, et ramenés au principe d’identité ; les premiers principes peuvent à la rigueur rentrer dans les principes de contradiction et de raison suffisante ou même peut-être uniquement dans ce dernier. Enfin le syllogisme peut, quant à la forme du raisonnement, nous permettre de demeurer d’accord avec nos prémisses et d’atteindre en ce sens à une certitude infaillible. Nous ne croyons pas d’ailleurs qu’aucun sceptique ait jamais pensé à nier que nous puissions arriver à une véritable certitude subjective. C’est amoindrir la question et se préparer une victoire trop facile que de dénaturer ainsi le problème. Quelle est en effet l’objection présentée de tout temps aux dogmatiques par les sceptiques et les acataleptiques, entre lesquels les philosophes modernes ne font aucune distinction ? C’est que si personne ne saurait nier les phénomènes et les relations qui les unissent, il n’en est pas de même des noumènes ou des choses en soi. Y a-t-il des choses en soi, et ce qu’en disent les dogmatiques peut-il être considéré comme l’essence même de ces entités dont ils soutiennent l’existence ? Voilà ce que nient les acataleptiques, ce dont doutent les sceptiques. Dès lors les dogmatiques devraient, pour réfuter les uns et les autres, non seulement établir que nous croyons être assurés que les noumènes existent et qu’ils ont telle ou telle essence, mais encore que nous avons quelque raison de penser que notre croyance est conforme à la réalité. C’est à ce point de vue que se sont placés par exemple les spiritualistes qui soutiennent avec Maine de Biran que par le sentiment de l’effort nous connaissons du même coup les phénomènes, la cause qui les produit et la substance qui les supporte. Ils ont vu que la démonstration supposant par définition des principes évidents à priori, il y avait quelque chose qu’on ne pouvait démontrer ; ils ont reconnu que la raison ne saurait se prouver à elle-même sa légitimité ; ils ont essayé de justifier le dogmatisme métaphysique en soutenant que, par la conscience, nous connaissons avec une égale évidence les phénomènes et les noumènes et que nous sommes par cela même autorisés à conclure sur l’existence et la nature