Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 18.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
221
ANALYSES.j.-b. bigou. Infaillibilité rationnelle.

L’abbé J.-B. Bigou : Le problème de l’infaillibilité rationnelle, in-18 (Paris. Librairie de la Société bibliographique, 1884).

Cette tentative de démontrer la véracité de la raison humaine qui mérite bien, à cause de l’objet qu’elle se propose, d’attirer l’attention de tous les philosophes, nous intéresse encore plus vivement à cause du caractère personnel de l’auteur et de la forme même qu’il a donnée à ses pensées. À la manière des géomètres et de Spinoza, en ne faisant appel qu’à la raison, l’abbé Bigou se propose d’établir contre les sceptiques, que la raison peut parvenir à une infaillibilité absolue pour tout jugement qui relève d’elle seule et se prouver rigoureusement à elle-même qu’elle possède cette infaillibilité.

Toutes les vérités exclusivement rationnelles, nous dit-il, peuvent être rendues aussi évidemment certaines que l’est la proposition : ce qui est vrai est vrai, par de simples définitions et des syllogismes parfaits. Une proposition est absolument infaillible, lorsqu’elle est absolument tautologique et elle peut être rigoureusement démontrée et devenir infaillible quand elle est la conclusion d’un ou de plusieurs syllogismes parfaits dont toutes les prémisses sont ou des propositions absolument tautologiques ou des définitions subjectives, ou des conclusions d’autres syllogismes parfaits composés de telles prémisses.

Or toutes les vérités purement rationnelles sont rigoureusement analytiques, c’est-à-dire qu’elles peuvent toutes se ramener par la simple définition des termes et par des syllogismes parfaits, à des propositions absolument tautologiques. Car les propositions tautologiques et les définitions subjectives, c’est-à-dire celles qui expriment le sens que l’auteur attribue au mot défini en le définissant, sont absolument infaillibles. D’un autre côté, un syllogisme parfait ou un syllogisme dont la conclusion répète ce que dit l’une de ses prémisses et le répète d’une chose qui est affirmée par l’autre prémisse, est absolument infaillible quand ses prémisses sont des définitions subjectives, ou des propositions absolument tautologiques, ou des conclusions d’autres syllogismes parfaits composés de telles prémisses. Or l’objet propre de Ia raison humaine, ce sont les propositions tautologiques, les définitions subjectives et les conclusions de syllogismes parfaits dont toutes les prémisses sont ou des définitions subjectives, ou des propositions tautologiques, ou des conclusions d’autres syllogismes parfaits ainsi composés. Donc la raison humaine qui se borne à produire des définitions subjectives, des propositions tautologiques et des conclusions de syllogismes parfaits satisfaisant aux conditions indiquées plus haut, est infaillible, même dans l’hypothèse des rêves, des folies, des esprits trompeurs, des natures décevantes et de toutes les causes possibles d’erreur.

Après avoir ainsi démontré l’infaillibilité de la raison, l’auteur essaie, de porter cette infaillibilité dans les questions les plus difficiles de la métaphysique, dans celles de la quantité en général, de l’étendue et de la durée, du temps et de l’espace. Voici les principaux résultats auxquels il arrive : aucun nombre n’est infini, une chose purement réalisable