Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 18.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
220
revue philosophique

historique du droit (ce dernier n’étant pas, selon Savigny, une science théorique). Dans le dernier chapitre M. Menger nous montre les origines et le développement de l’historisme en économie politique.

L’ouvrage se termine par neuf appendices sur ce qu’est un état économique (Volkswirtschaft), — sur l’idée de la science économique (théorétique), — sur le rapport des sciences pratiques en économie politique à la pratique et à la science théorétique, — sur la terminologie et la classification de nos sciences, — sur le fait qu’on peut aussi bien parvenir à des lois exactes des phénomènes sociaux que des phénomènes naturels, — sur le déterminisme absolu du point de départ et du but de toute économie (Wirthschaft) humaine, — sur l’opinion imputée à Aristote, que le fait social d’un état est déterminé originairement, du moment que l’existence des hommes est donnée, — sur l’origine « organique » du droit et son intelligence exacte, — enfin sur l’école nommée « éthique » en économie politique, dont il fait une critique approfondie.

Tel est le plan de l’intéressant ouvrage de M. Menger dont nous venons de faire connaître les idées principales. Pour éviter tout malentendu nous ferons remarquer que M. Menger n’appartient nullement à l’école déductive (principalement anglaise) qui à pour point de départ certaines hypothèses connues, telles que le dogme de l’égoïsme et qui ne reconnaît à l’induction qu’un rôle tout à fait secondaire. S’il ne la combat pas directement dans l’ouvrage dont nous nous occupons, il ne lui en est pas moins hostile. On ne peut donc en science économique parvenir à des lois ni par la déduction, ni en se perdant dans des détails historiques. Ces lois n’en existent pas moins, mais on ne peut y arriver que par l’induction qui peut être empirique ou exacte.

Ces vues font prévoir toute une littérature économique ; elles ont ébranlé aussi bien celles de Schaeffle que celles de Roscher, économistes qu’on s’est plu en Allemagne à considérer comme étant d’une autorité absolue. Mais avant tout ce livre mettra fin à ses recherches de détails historiques infinis et sans but qu’un homme d’esprit a très bien qualifié de « historische Fetzenklauberei  ». Vu le grand retentissement que l’ouvrage de M. Menger a eu — l’auteur a depuis fait un ouvrage spécial sur les erreurs de cette « école historique » — une deuxième édition ne peut tarder. Nous espérons la voir augmentée d’une série d’exemples pratiques.

Eugène Schwiedland.
Vienne (Autriche).