Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 18.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
216
revue philosophique

d’une science sociale universelle. D’après ce plan, l’étude de la méthodologie spéciale de l’économie politique est réservée à un ouvrage subséquent.

Le livre de M. Menger se compose de 4 parties. Dans la première il parle de la science économique comme science théorétique et du rapport de cette dernière avec les sciences économiques, historiques et pratiques.

Nous ferons d’abord remarquer que nous désignerons sous le terme de Science économique (théorétique) ce qu’on nomme en allemand theoretische Volkswirtschaftslehre ou theoretische Nationalækonomie, l’expression Politische Œkonomie comprenant (d’accord avec M. Menger et la plupart des économistes allemands) un ensemble des Sciences : économique théorique (Nationalækonomie), économique pratique (Volkswirtschaftspolitik, — pflege), et des finances (Finanzwissenschaft) qui est aussi pratique. Resteraient l’histoire de la science économique, ainsi que l’histoire et la statistique des phénomènes économiques, que M. Menger nomme sciences historiques. Nous prions donc le lecteur de remarquer la différence que nous sommes forcés de faire dans ce résumé, en nommant Science Économique ce qu’on désigne en France et en Angleterre sous le terme d’économie politique, political economy, et en nommant « économie politique » (politische Œconomie) le groupe mentionné comprenant l’économie politique théorique et pratique dans le sens français et anglais du mot et 3o la science des finances.

Cette différence terminologique établie, nous pourrons suivre le fil des recherches de M. Ch. Menger.

Les sciences historiques, dit-il, nous mettent à même de connaître une série de cas individuels, tandis que la recherche théorique nous donne le caractère général des faits. Outre les deux grands groupes des sciences historiques et théoriques, nous avons à distinguer les sciences pratiques qui, 1o ne nous apprennent pas les choses qui sont mais celles qui devraient être dans des circonstances données, et 2o cherchent à établir les principes d’après lesquels on doit agir dans un cas donné.

Le caractère formel de la science économique théorique ne doit pas être méconnu, comme ç’a été le cas en Allemagne. Une étude scientifique a pour but de nous faire connaître les faits et les causes qui ont donné à ces derniers la forme que nous leur trouvons, — scire est per causas scire. Or on peut étudier les faits sociaux de deux manières, en étudiant un certain fait donné d’une manière spécifiquement historique, ce qui est parfaitement adéquat à la science économique — et en l’étudiant théorétiquement, en le considérant comme un cas spécial dans la coexistence et séquence des faits, comme un exemple pour ainsi dire (Exemplification) d’une régularité générale (des phénomènes), — p. 14-17, La connaissance des faits économiques que nous fournit l’histoire est dans chaque cas spécial essentiellement différente de celle que nous donne la théorie, aussi différente que la théorie et l’histoire elles-mêmes, C’est ce que l’historisme économique en Allemagne n’a pas vu, en ne voulant connaître qu’historiquement les phénomènes économiques et en méconnaissant le caractère formel de la science économique théorique. En