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que nous le voulons, du moins ce n’est pas uniquement parce que nous le voulons que le mouvement s’accomplit : c’est à l’idée, au simple fait de représentation dans la conscience, et non au vouloir, qu’est lié ce mouvement. La preuve en est que l’idée d’un mouvement, dès qu’elle se présente à la conscience, et avant même tout acte de volonté, est suivie de l’ébauche de ce mouvement, et souvent, comme dans le somnambulisme, le mouvement se produit en dehors de toute volonté.

Dès lors, il est facile de répondre à la question de M. Janet. La volition n’est ni dans ce jugement : mon bras est mû ; ni dans celui-ci : mon bras a été mû ; ni dans celui-ci : mon bras sera mû. On pourrait dire qu’elle est dans celui-ci : mon bras doit être mû. Mais plutôt il est impossible d’exprimer par des mots, nécessairement empruntés à l’ordre intellectuel, un acte qui par essence n’est pas intellectuel. Ce qu’on en peut dire de mieux, c’est que c’est une sorte de fiat.

Par suite, nous pouvons accorder à M. Janet que affirmer un fait sera toujours autre chose que vouloir un acte. Nous conviendrons volontiers que deux termes distincts, ceux de volition et d’affirmation, seront toujours nécessaires pour désigner deux opérations dont les conséquences sont si différentes. La différence cependant est à nos yeux tout extrinsèque. Affirmer un fait, c’est non pas certes faire qu’il existe hors de nous ; mais c’est faire en sorte qu’il existe pour nous. Vouloir un acte, c’est choisir entre plusieurs idées qui se présentent à nous, et par une conséquence attachée, en vertu des lois naturelles, à la préférence que nous lui accordons, la réaliser hors de nous.

Nous ne dirons pas non plus que la volonté soit un acte intellectuel, et nous accorderons à M. Janet qu’il faut distinguer entre l’opération qui s’accomplit dans notre pensée, lorsque par exemple Corneille nous paraît supérieur à Racine, et l’affirmation par laquelle nous déclarons que l’un est supérieur à l’autre. Seulement cette opération de l’intelligence, distincte de la préférence de la volonté, nous ne l’appellerons ni un jugement, pour la raison indiquée plus haut, ni même une préférence. À nos yeux, dès qu’il y a réellement jugement ou préférence, l’entendement et la volonté s’unissent : l’acte volontaire s’ajoute à la représentation. Se représenter Corneille comme supérieur à Racine, ce n’est pas assurément vouloir que cela soit, il n’y a pas là ombre de volonté. Mais jusque-là c’est un pur possible. En revanche, au moment où je juge que Corneille est supérieur à Racine, je choisis entre deux opinions également présentes à ma pensée ; je prends un parti ; je décide : et c’est là un acte de volonté. Il est bien vrai, comme le dit M. Janet, qu’en prononçant ce