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ANALYSES.menger. Méthode des sciences sociales.

d’ailleurs nullement inséparables. On peut avoir un idéal bas ou grossier. Si l’on a coutume de donner à ce mot, comme au mot devoir, une signification plus élevée, c’est que les conditions générales où il a vécu ont imposé à l’homme un certain idéal moral et social assez élevé, que des raisons dont on peut se rendre compte lui ont fait considérer comme le meilleur et le seul, mais qu’en fait il abandonne souvent pour d’autres idéaux, moins élevés et plus accessibles, répondant à d’autres côtés de sa nature et produits par d’autres parties de ses conditions d’existence,

Ce n’est donc pas tout de reconnaître le devoir, il faut encore déterminer le meilleur idéal. L’utilitarisme offre une solution, mais une solution insuffisante. Il faut trouver un critérium plus large. J’ai proposé la systématisation, qui est le critérium à la fois pour la morale, pour art et pour la science[1].

Il y aurait beaucoup d’autres points à examiner dans l’ouvrage de Mill ; mais je ne veux pas allonger davantage ce compte rendu ; je renvoie les lecteurs au livre de M. Guyau et au livre même de Mill, qui n’est pas bien long, qui est curieux, intéressant et montre bien les qualités et les défauts de l’auteur.

Fr. Paulhan.

Carl Menger  : Untersuchungen ueber die methode der socialwissensghaften und der Politischen Œconomie insbesondere (Recherches sur la méthode des sciences sociales et de l’économie politique en particulier). 4 vol.  in-8o, XXXII-291 p. Leipzig, Verlag von Duncker und Humblot. 1883.

On a fait plus d’une fois à l’économie politique le reproche de ne pas être une science. En effet, si le caractère d’une science est de rendre possible par la connaissance de ses lois une prévision certaine des circonstances à venir qui ont rapport à son sujet, l’économie politique est certes bien loin d’être une science achevée. Aussi voyons-nous les économistes se remettre à la besogne et recommencer sur des bases vraiment solides la construction de leur édifice scientifique. Ces nouveaux fondements leur sont en partie fournis par les sciences sociales. Il n’y a donc rien de disparate à voir réunis dans le titre du volume qui est sous nos yeux les sujets sur lesquels s’étendent les recherches du savant professeur de Vienne.

L’auteur combat avant tout dans son ouvrage les tendances de l’école historique des économistes d’Allemagne — qui déclarent l’histoire être le seul champ de recherches méthodiques en fait d’économie politique, qu’ils considèrent, par analogie à la jurisprudence historique et à la philologie, comme une science spécifiquement historique, — ainsi que l’opinion qui ne voit dans cette science qu’une partie organique et dépendante

  1. Voir la Revue de mai 1884.