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BROCHARD. — DE LA CROYANCE

exprimer ma préférence et mon goût ; mais je déclare que cela est ainsi, indépendamment de mon goût particulier. Il n’y a pas là ombre de volonté. Il en est de même si, au lieu de juger des hommes et des écrits, je juge des actions, même des actions qui sont miennes et qui se présentent à moi pour être faites. Dire que je préfère l’une à l’autre, que je la trouve plus juste ou plus utile, ce n’est pas encore la vouloir : car tant qu’il n’y a que préférence intellectuelle, elle reste à l’état contemplatif : il n’y a pas d’action. Que si au contraire il s’agit d’une préférence de la sensibilité, c’est une autre question. »

En résumé, la volition n’enferme aucune affirmation, et d’autre part l’affirmation est autre chose que la volition. Examinons ces deux points.

Dans ce jugement : je veux mouvoir mon bras, où est l’affirmation ? Assurément il ne s’agit pas de dire qu’en voulant, j’affirme mon vouloir : ce n’est pas dans l’expression de l’acte, dans la manifestation extérieure qu’il faut chercher l’affirmation : c’est le vouloir même qui doit, comme le dit fort bien M. Janet, être l’affirmation. Or, qu’est-ce que vouloir un mouvement du bras ? Ce n’est certes pas l’exécuter : l’accomplissement de l’acte, M. Janet en convient avec tout le monde, ne dépend pas directement de la volonté. Vouloir un mouvement corporel, puisque aussi bien nous ignorons complètement comment il s’exécute, c’est uniquement nous arrêter à l’idée de ce mouvement, lui donner dans la conscience une place à part, écarter toutes les représentations contraires, ou simplement autres : le mouvement réel vient après, suivant les lois générales de l’union de l’âme et du corps. Qu’est-ce maintenant qu’affirmer ? N’est-ce pas aussi, après une délibération plus ou moins longue, s’arrêter à une idée, écarter celles qui la contredisent, lui conférer une sorte de réalité, la marquer d’une préférence ? Envisagés en eux-mêmes, dans le for intérieur où ils s’accomplissent tous deux, et où ils s’accomplissent seulement, les deux actes ne sont-ils pas de même nature ?

Il reste une différence pourtant que nous sommes loin de vouloir méconnaître. Quand c’est l’idée d’un mouvement corporel qui s’offre à l’esprit, la volonté ou la croyance a pour résultat de faire naître le mouvement lui-même ; au contraire, l’adhésion à une idée ne produit directement du moins, aucun effet dans le monde extérieur. Mais si importante que soit cette différence, elle n’empêche pas les deux actes d’être de même nature. C’est par une circonstance indépendante du vouloir et de la croyance que dans le premier cas, il se produit un changement dans le monde physique. Ce n’est pas parce