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REVUE GÉNÉRALE


ÉTUDES SUR LE SOCIALISME CONTEMPORAIN


Paul Janet, Les origines du socialisme contemporain. Émile de Laveleye, Le socialisme contemporain. Masseron, Danger et nécessité du socialisme.


Les trois ouvrages dont nous allons rendre compte envisagent le socialisme contemporain à des points de vue différents. M. Janet remonte savamment à ses origines avant et pendant la Révolution française ; M. de Laveleye s’attache à raconter, avec beaucoup de détails intéressants et un grand charme d’exposition, l’histoire de ses progrès depuis 1830 jusqu’à nos jours ; et M. Masseron traite un peu le même sujet, mais il développe surtout des conclusions pratiques. Où le premier ne voit qu’une fièvre accidentelle et très probablement temporaire de notre civilisation, les deux autres signalent une tendance irrésistible et nécessaire, l’approche d’un déluge. M. de Laveleye, tout en laissant entrevoir çà et là ses thèses cachées sous ses récits, s’abstient de conclure ; M. Masseron, qui croit devoir faire au socialisme sa part, se hasarde à préconiser surtout comme digue ou plutôt comme canal dérivatif du grand courant débordé, la participation des ouvriers aux bénéfices des patrons. Que faut-il penser de ces opinons divergentes ou individuelles ?

I

Avec cette sagacité éminente d’analyse et de raisonnement qui fait de lui une sorte de Stuart Mill sensé, c’est-à-dire français, M. Janet s’attache à montrer et il démontre dans une certaine mesure, que le socialisme actuel n’est pas fils légitime de la Révolution Française. D’où il se hâte de déduire que le socialisme actuel est un pur accident, un trouble passager. De la part d’un logicien aussi pénétrant que circonspect, mais pas toujours peut-être aussi complet qu’exact, ni aussi ouvert que rigoureux, une déduction si précipitée peut surprendre. Fût-il prouvé que la Révolution française n’a eu rien de socialiste, il