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TH. RIBOT. — bases affectives de la personnalité

serait prématuré d’en parler pour le présent. Cette question viendra en son temps.

Il y a cependant un côté faible dans l’hypothèse de la conscience-phénomène ; ses partisans les plus connus l’ont soutenue sous une forme qui leur a valu le nom de théoriciens du pur automatisme, D’après leurs comparaisons favorites, la conscience est comme le jet de lumière qui sort d’une machine à vapeur et l’éclaire, mais sans avoir la moindre efficacité sur sa marche ; elle n’a pas plus d’action que l’ombre qui accompagne les pas du voyageur. Si ces métaphores n’ont d’autre but que de traduire la doctrine sous une forme vive, il n’y a rien à dire ; mais, prises au sens strict, elles sont exagérées et inexactes. La conscience est en elle-même et par elle-même un nouveau facteur, et en cela il n’y a rien de mystique ni de surnaturel, comme nous allons le voir.

D’abord, par l’hypothèse même, l’état de conscience supposant des conditions physiologiques plus nombreuses (ou du moins autres) que le même état lorsqu’il reste inconscient, il en résulte que deux individus étant l’un dans le premier cas, l’autre dans le second, toutes choses égales d’ailleurs, ne sont pas strictement comparables.

Il y a à alléguer des raisons encore plus probantes — non des déductions logiques, mais des faits. Lorsque un état physiologique est devenu un état de conscience, il a acquis par là même un caractère particulier. Au lieu de se passer dans l’espace, c’est-à-dire de pouvoir être figuré comme la mise en activité d’un certain nombre d’éléments nerveux occupant une superficie déterminée, il a pris une position dans le temps  : il s’est produit après ceci et avant cela, tandis que pour l’état inconscient, il n’y a ni avant ni après. Il devient susceptible d’être rappelé, c’est-à-dire reconnu comme ayant occupé une position précise entre d’autres états de conscience. Il est donc devenu un nouveau facteur dans la vie psychique de l’individu, un résultat qui peut servir du point de départ à quelque nouveau travail conscient ou inconscient ; et il est si peu le produit d’une opération surnaturelle qu’il se réduit à cet enregistrement organique qui est la base de toute mémoire.

Pour préciser davantage, prenons quelques exemples. La volition est toujours un état de conscience, l’affirmation qu’une chose doit être faite ou empêchée ; elle est le résultat final et clair d’un grand nombre d’états conscients, sous-conscients et inconscients ; mais, une fois affirmée, elle devient dans la vie de l’individu un nouveau facteur ; elle marque une position prise et, dans la suite, la possibilité d’être recommencée, modifiée, empêchée. Rien de semblable pour les actes automatiques non accompagnés de conscience. — Les