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LES BASES AFFECTIVES DE LA PERSONNALITÉ


I

Avant d’étudier le rôle des sentiments et des idées dans la genèse des maladies de la personnalité, il est bon, pour des raisons de clarté et de bonne foi, de nous entendre sur la nature de la conscience. Il ne s’agit pas ici d’une monographie qui serait pour ainsi dire toute la psychologie ; il suffira de poser le problème sous une forme précise.

Négligeant les détails, nous n’avons en présence que deux hypothèses : l’une fort ancienne, qui considère la conscience comme la propriété fondamentale de « l’âme » ou de « l’esprit », comme ce qui constitue son essence ; l’autre, très récente, qui la considère comme un simple phénomène, surajouté à l’activité cérébrale, comme un événement ayant ses conditions d’existence propres et qui, au gré des circonstances, se produit ou disparaît.

La première hypothèse règne depuis tant de siècles qu’il a été facile d’en apprécier les mérites et les défauts. Je n’ai pas à faire son procès ; je me bornerai à constater sa radicale impuissance à expliquer la vie inconsciente de l’esprit. D’abord, pendant longtemps, elle n’en fait pas mention : les vues si précises et si profondes de Leibniz sur ce point restent oubliées ou du moins sans emploi, et, jusque dans le courant de ce siècle (sauf quelques rares exceptions), les psychologues les plus renommés restent confinés dans leur conscience. Lorsque enfin la question s’est imposée et qu’il est devenu évident pour tous que réduire la vie psychique aux seules données de la conscience est une conception si pauvre, si étriquée, qu’elle devient en pratique de nul usage, alors un grand embarras s’est produit. On a admis des « états inconscients », terme ambigu et demi-contradictoire, qui s’est vite répandu, qui a son équivalent dans toutes les langues, mais qui, par sa nature même, trahit la période de confusion où il est né. Que sont ces états inconscients ? Le plus prudents constatent leur existence, sans essayer d’expliquer. Les téméraires