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la foi, il y a des devoirs envers lui, La morale religieuse a sa place, légitime ou usurpée, dans la plupart des consciences ; elle entre comme partie intégrante dans la plupart des traités de morale ; elle peut même être l’objet de certains devoirs pour ceux qui se sont donné pour mission de la déloger. Si les positivistes et les athées peuvent, à tort ou à raison, s’affranchir de tout devoir envers Dieu et s’efforcer d’en affranchir l’humanité, ils ne peuvent refuser d’admettre et il sont souvent les premiers à reconnaître des devoirs généraux envers les consciences, envers toutes les formes de la pensée et de la foi. Quels égards, quel respect devons-nous, soit aux divers systèmes philosophiques, soit aux diverses communions religieuses ? Quels devoirs, d’un autre côté, doivent s’imposer envers leurs contradicteurs, hérétiques au incrédules, les adeptes de ces systèmes, les adhérents ou les ministres de ces religions ? Quelles garanties la liberté de la pensée et de la conscience doit-elle trouver, soit dans la sagesse et la modération des particuliers, soit dans les justes prescriptions des lois ? Autant de questions de morale privée et de morale publique auxquelles donnent lieu nécessairement la propagation des idées métaphysiques et toutes les manifestations de la foi religieuse.

La morale ne trouve pas seulement, dans les objets des différentes sciences, la matière de ses préceptes ; elle emprunte à quelques-uns de ces objets ses instruments et ses moyens d’action. Rien de plus évident pour la science de l’homme et pour toutes les sciences sociales. L’homme est, à tous les points de vue, le centre de la loi morale. C’est envers lui qu’existent les principaux devoirs ; c’est lui qui les accomplit ; c’est lui qui en juge, dans sa conscience, alors même qu’il n’y est pas personnellement intéressé, l’accomplissement ou la violation. Tout, dans l’homme, appartient à la loi morale, et son corps et son âme et, dans son âme, tous ses modes de penser, de sentir ou d’agir. L’acte moral n’est pas seulement l’acte de l’individu, c’est aussi l’acte collectif de la société, sous toutes les formes qu’elle peut revêtir. Toutes les institutions sociales, toutes les idées, toutes les passions qui dominent dans une société, tous les intérêts qui divisent ou qui unissent les hommes peuvent être pour la morale des auxiliaires ou des obstacles.

La loi morale peut ainsi prendre son bien dans toutes les sciences d’observation qui ont pour objet l’homme ou les hommes : elle peut aussi le prendre dans les sciences qui prétendent franchir les bornes de l’expérience. Parmi les moyens d’action qu’exige la loi morale, les doctrines traditionnelles que la plupart des consciences n’ont pas encore abandonnées placent au premier rang certains attributs d’ordre