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correspondance

plus arriérés. Je lui demande seulement de ne pas fausser ma pensée sur ce second point comme il l’a fait pour le premier en m’imputant, purement et simplement, la théorie du spiritualisme traditionnel. Il n’a pas même essayé de donner une idée de ma conception qui, en rompant nettement sur un point capital avec Victor Cousin, donne à la certitude morale et au rôle de la volonté dans la connaissance, une part que lui a toujours refusée le spiritualisme cartésien, de la seconde génération. Le cartésianisme surtout puise à sa source première et n’a pas moins selon moi son grand côté de vérité. Je crois avec Kant que le premier devoir est de croire au devoir, et que c’est cette foi ou cette soumission à l’impératif catégorique, qui me donne le roc sur lequel je puis faire reposer la certitude sans être pour cela réduit au subjectivisme de la raison pure. Tout cela peut paraître très suranné, très faux à M. Maurice Vernes, mais j’ai le droit d’affirmer que je ne puis reconnaître ma vraie pensée dans ses indications si vagues et parfois si erronées. C’est cette vraie pensée que j’ai simplement voulu rétablir, sachant très bien à quel point elle prête à la critique, surtout quand on est aussi convaincu que M. Maurice Vernes que le spiritualisme sous toutes ses formes est définitivement dépassé, ce qui n’implique pas précisément l’absence de tout parti pris dans la discussion philosophique.

E. de Pressensé.


J’ai quelque peine à me rendre compte de la réclamation de M. de Pressensé. Il proteste contre l’exposé que j’ai fait de sa pensée en termes qui me confirment dans l’exactitude de mon compte-rendu.

I. La contradiction que j’ai relevée entre le criticisme des prémisses et le dogmatisme des conclusions du livre se justifierait par la liberté que s’est réservée l’auteur d’admettre les procédés de la science en matière de « conditions d’existence », mais de pratiquer ceux de la métaphysique sur les questions d’origine. Fort bien. Mais que devient la déclaration solennelle, reproduite dans votre compte-rendu : « C’est à la science seule que j’ai demandé la réponse au problème des origines » ?

II. M. de Pressensé prétend que je donne une idée inexacte de sa théorie de la connaissance. Or qu’avais-je écrit ? « Descartes est trop intellectualiste ; Kant fonde l’idée du devoir sans triompher absolument du scepticisme, mais en indiquant le principe moral qui en aura raison… » L’honorable auteur des Origines dit-il autre chose dans la réclamation ? il ne me le paraît pas non plus.

Je dois donc répéter que dans l’ouvrage, très consciencieux d’ailleurs et très étudié de M. de Pressensé, qu’il qualifie lui-même un peu bizarrement de « bulletin de bataille », je ne puis voir qu’une « tentative d’émancipation restée à l’état de vœu tout théorique ».

M. V.