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CORRESPONDANCE


Monsieur le Directeur,

Si je vous demande de vouloir bien insérer quelques mots de réponse au bref compte rendu que M. Maurice Vernes a fait dans la Revue philosophique de mon livre sur les Origines[1], ce n’est pas, croyez-le bien, pour me donner le ridicule de discuter ses appréciations. Il ne voit guère dans mon œuvre qu’une succession des sujets les plus variés dont le lien lui échappe complètement, trouvant étrange que dans un ouvrage destiné aux questions d’origine je m’occupe tour à tour des relations du physique et du moral chez l’homme, de la relation de celui-ci avec l’animalité, de la formation du langage, de la religion, du premier développement de la morale, enfin de l’humanité préhistorique, c’est-à-dire des problèmes les plus inévitables, quand on s’occupe d’anthropologie. Qu’il me soit permis de rappeler à cet égard que j’ai déclaré de la manière Ia plus explicite que mon intention avait été simplement d’examiner par moi-même le dossier du grand procès philosophique de mon temps. Mon unique dessein, disais-je dans mon introduction[2], a été de donner le bulletin de cette redoutable bataille qui n’est pas près de finir. J’ai fait tous mes efforts pour exposer avec impartialité et clarté l’opinion de mes adversaires, comme bon nombre de mes critiques ont bien voulu le reconnaître en France et aussi en Allemagne et en Angleterre à l’occasion des traductions de mon livre. J’espère avoir montré toujours que je savais honorer la personne de mes contradicteurs. Quant à la réplique je n’ai eu qu’à la puiser dans les vastes et beaux travaux des représentants les plus éminents de Ia science indépendante et de la philosophie contemporaine. J’ai essayé de montrer combien cette réplique est, à mon sens, victorieuse et décisive, en me l’assimilant par un travail personnel. L’accusation de parti pris me touche peu, car elle en revient à m’imputer une conviction fondamentale préalable. C’est un inconvénient que je partage avec tous ceux qui ne sont pas de simples curieux dans les choses de l’esprit. Je n’eusse point songé à relever l’article de M. Maurice Vernes s’il s’était contenté de me trouver léger à sa balance, ce qui est absolument son droit ; mais il a, sans le vouloir, si gravement défiguré mon point de vue, sur deux points essentiels, que je vous demande la permission

  1. Voir le numéro d’avril 1884.
  2. Introduction, page X.