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dre sur un sujet tant de fois traité, auteur, tout en restant toujours intéressant, ne dit rien de bien nouveau.

Le chapitre qui termine le livre et qui est consacré à examiner quelques objections que l’on fait ou que l’on peut faire à la logique est beaucoup plus neuf. Les deux principales objections que l’on peut faire à la logique sont : 1o qu’elle est inutile, pour ne rien dire de plus ;  2o que son but est bon, mais que les moyens dont elle se sert sont impuissants pour l’atteindre. Cette dernière objection est la plus redoutable de toutes ; c’est elle qui a toujours servi de point d’appui au scepticisme. L’auteur y répond en disant : Pratiquement, la plus sûre défense contre le scepticisme n’est pas de réclamer d’infaillibles révélations, mais de chercher patiemment quelle est la meilleure parmi les vérités qui ont subi l’épreuve du temps. Sans doute, cette base de croyance n’est jamais complètement sûre, et la connaissance est toujours basée en dernière analyse sur des préjugés ; mais la différence entre les préjugés scientifiques et les préjugés non scientifiques est que les premiers sont explicitement reconnus comme purement provisoires. On ne peut refuser de croire à une proposition, parce qu’on n’en a pas encore une absolue démonstration ; cette maxime constituerait une habitude impraticable. Ii suffit que tous les faits connus justifient cette proposition, qu’aucun ne la contredise. Elle peut sans doute être fausse encore, car l’expérience passée ne peut garantir absolument l’expérience future, mais nous avons pour ne pas nous tromper toutes les chances qu’il est raisonnable d’espérer. Aucune logique n’a jamais prétendu faire arriver l’homme à la vérité absolument certaine et complètement infaillible.

Si nous disons que l’ouvrage se termine par une conclusion qui le résume, qu’il est suivi de quatre appendices sur les possibilités alternatives, sur les méthodes expérimentales, sur les modes de la réfutation par l’impossible, et sur la succession invariable, de tableaux qui résument et figurent la pensée de l’auteur, et enfin d’un index alphabétique, si nous ajoutons que le texte est clair, élégant, spirituel parfois, illustré, à la manière anglaise, d’exemples empruntés aux choses pratique de la vie, à la politique, à la sociologie, nous aurons donné, croyons-nous, une idée exacte du livre de M. A. Sidgwick. Cet ouvrage a un incontestable mérite : celui d’être original sur un sujet rebattu. À part les pages aimables de Nicole dans la Logique de Port-Royal sur les sophismes, — pages d’un moraliste plutôt que d’un logicien, — nous ne connaissons rien dans la littérature logique qui puisse être rapproché de cet ouvrage.

Après une si longue analyse, devons-nous nous livrer à une critique minutieuse et détaillée ? — Le lecteur pourra le faire lui-même. Nous nous contenterons de signaler l’impression qui se dégage du livre et qui n’est pas celle que désirait l’auteur. Il a écrit pour nous montrer à quelles conditions doit satisfaire une proposition afin d’être vraie ; il voudrait trouver un ferme terrain pour résister au doute. Or, loin d’assurer la science, l’auteur l’affaiblit ; au lieu de déraciner le scepticisme, il