Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 18.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
107
ANALYSES.alfred sidgwick. The Fallacies.

nouvelles peuvent la modifier, la transformer, la détruire, Elle n’en aura pas moins rendu service, en dirigeant les efforts des travailleurs ; à la condition essentielle qu’on l’ait toujours prise pour ce qu’elle est, qu’on se soit loyalement efforcé de la mettre d’accord avec les faits, et non de faire cadrer les faits avec elle.

Qu’est-ce, en effet, qu’une théorie scientifique, sinon la carte provisoire d’un pays peu connu ? Chaque découverte nouvelle amène à modifier un trait de la carte ; elle subit parfois des transformations complètes ; mais, sous ses divers états, elle n’en a pas moins été, et toujours, utile pour guider la marche des explorateurs. Le pays est accidenté, difficile, il s’y dresse des sommets que jamais sans doute ne foulera le pied humain ; il y Coule des fleuves dont on ne connaîtra jamais la source, Faut-il pour cela demeurer toujours au plus profond des vallées ? et parce que les cimes suprêmes, parce que les causes premières, nous demeurent inaccessibles, renoncer aux panoramas grandioses qui se déroulent aux regards, des hauteurs où peuvent conduire la persévérance et le génie ?

C. Viguier.

Alfred Sidgwick. The Fallacies, a view of logic from the practical side, London, Kegan Paul, 1883 (1 vol. de la International scientific series, XVI-375 pp.).

« Ce livre, dit la préface, est destiné au vulgaire des lecteurs ; il n’exige point de connaissances techniques préalables. Il est écrit autant que possible d’un point de vue non professionnel. » L’auteur s’engage donc à ne réclamer du lecteur guère autre chose que du bon sens et de l’attention. Il négligera par conséquent les théorèmes ordinaires de la logique formelle et son algorithmie usuelle, pour s’adresser presque exclusivement au sens commun. Cela ne l’empêchera pas à l’occasion (par exemple pp. 87, 240, etc.) de montrer la concordance de ses théories avec les théories logiques communes.

L’ouvrage s’ouvre par une Introduction dans laquelle l’auteur montre d’abord quelles sont les difficultés de l’œuvre, telle qu’il l’a conçue. Entre ceux qui disent que la logique se réduit aux suggestions du sens commun et ceux qui soutiennent qu’elle est à la vérité une science, mais qu’elle ne sert de rien en pratique, M. Sidewick veut occuper une position intermédiaire. Il veut négliger toutes les questions controversées de métaphysique qu’on peut soulever à propos de la logique, Pour lui, la raison d’être[1] de la logique est de combattre l’erreur. De ce point de vue toutes les différences de doctrine disparaissent. Il n’est plus question en effet de trouver des fondements aux théories logiques, fondements sur lesquels s’exerce l’esprit disputeur des philosophes,

  1. Ces mots sont en français dans le texte, p. 8.