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place des animaux dans la nature, et à leur rôle dans les mythologies et les philosophies de l’antiquité. À l’origine, tout est confusion, tout est mystère. Les croyances les plus absurdes étaient acceptées sans contrôle, et nombre d’entre elles devaient fournir une longue carrière. Plusieurs ont passé comme articles de foi jusqu’à la fin du moyen âge, on en retrouve même de nos jours ; Car il n°y a rien de plus juste que cette remarque d’Huxley : « Chacune des branches de la biologie a passé par les trois états de développement qui sont communs à toutes les sciences ; et chacune, à présent encore, est à ces divers degrés dans des esprits différents. »

Cette phase première n’appartient pas, à proprement parler, à l’histoire de la science. Ce qui la caractérise, c’est l’absence presque absolue d’observation. Autant de rêveurs, autant de systèmes, les uns puérils, les autres ne manquant pas d’une certaine grandeur. Tel est par exemple celui d’Anaxagore : « Tous les corps sont formés de parties semblables entre elles, ayant existé de toute éternité, et que Dieu n’a fait que coordonner. » Il en est des êtres vivants comme des autres Corps ; leurs éléments ont existé de tout temps, ils sont indestructibles ; mais leur association ne persiste que pendant la durée de la vie, et se rompt au jour de la mort. N’y a-t-il pas, ainsi que le fait remarquer M. Perrier, plus d’une analogie entre ce système et l’hypothèse des molécules vivantes de Buffon, l’attraction du soi pour soi de Geoffroy Saint-Hilaire, et même la panspermie de Darwin ? De même, Pythagore avait déjà vu le monde au point de vue des oppositions, comme devaient l’envisager plus tard Schelling et les philosophes de la nature. Combien d’idées modernes, et des plus neuves, retrouve-t-on dans l’antiquité.

Évidemment, tant que l’on s’en tenait exclusivement aux spéculations, la science zoologique ne pouvait se constituer, puisque sa base est l’observation. Il fallait changer de méthode.

Alcméon de Crotone, qui vivait cinq cent vingt ans avant Jésus-Christ, est le premier que l’on cite pour avoir disséqué des animaux. D’autres suivirent. Parmi ces chercheurs, Hippocrate pour l’anatomie humaine, Démocrite pour l’organisation animale, sont les deux personnalités marquantes. Les découvertes nouvelles réagirent naturellement sur la philosophie ; l’imagination dut restreindre son vol, on apprit à établir entre les idées des distinctions plus rigoureuses ; et Socrate « perfectionna la méthode inductive au point qu’on peut lui attribuer l’honneur de sa création. » Platon, lui, mit en valeur la méthode des généralisations ; mais il l’appliqua trop exclusivement aux idées, et négligea les faits. Une réaction était nécessaire ; et c’est l’honneur du philosophe de Stagyre de lavoir accomplie.

M. Perrier a consacré tout un chapitre à cette grande figure d’Aristote que l’on retrouve à l’origine de toute vraie science. Il n’avait pas besoin de s’en excuser. C’eût été laisser dans son ouvrage une importante lacune, que de ne pas le faire remonter jusqu’à l’Histoire des animaux. Observer patiemment pour arriver à connaître des faits certains,