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servir du régime parlementaire de manière à conférer la dictature à un homme d’État populaire. Aux États-Unis, les institutions républicaines au lieu de se développer lentement, ont été créées tout d’une pièce ; aussi s’est-il formé au dedans de ces institutions un appareil de politiciens qui mènent les hommes politiques comme des marionnettes et exercent un pouvoir réel à l’ombre du gouvernement nominal. En Angleterre, l’extension du droit de suffrage, bientôt renouvelée et agrandie, a augmenté énormément le nombre de ceux qui, de dirigés qu’ils avaient été jusqu’alors, devenant dirigeants, sont tombés sous l’autorité des corps organisés qui choisissent les candidats, bâtissent un programme politique, candidats et programmes que les électeurs doivent accepter sous peine de ne faire aucun usage de leurs pouvoirs. Ces exemples montrent que, faute d’un caractère bien adapté, la liberté acquise d’un côté se perd de l’autre. »

Rien de plus sensé que ces avertissements. Pourtant les théories politiques, même quand elles sont notablement en avance sur les mœurs, ne nous paraissent pas être toujours aussi stériles que M. Spencer veut bien le dire. Les principes de la Révolution française ont été formulés par des théoriciens, des spéculatifs : qui prétendra qu’ils n’ont pas marqué d’une empreinte profonde et durable les institutions, les caractères mêmes ? En général, M. Spencer nous semble tenir trop peu compte des idées pures, des conceptions idéales, voire des utopies, comme facteurs du progrès social. L’évolution ne se fait pas toute seule ; le concours des forces extérieures, le jeu des énergies inconscientes qui se développent au sein de l’humanité, n’expliquent pas tout. La raison est, elle aussi, une des puisssances qui mènent le monde moral et préparent lentement, à travers l’histoire, le triomphe de la raison.

L. Carrau.

Edmond Perrier. La philosophie zoologique avant Darwin. Bibliothèque scientifique internationale. — In-8o. Paris, Librairie Alcan.

Lorsque d’importantes découvertes, et surtout lorsque des idées fécondes viennent changer la marche d’une science, on sent le désir de résumer les idées anciennes qui ont tour à tour exercé une influence directrice sur cette branche du savoir humain ; on éprouve le besoin de revoir, d’arranger, dans un classement à peu près définitif, tout ce qui appartient désormais à l’histoire du passé.

Il en est actuellement ainsi pour les études biologiques. La philosophie de ces sciences, c’est-à-dire l’ensemble des idées et des théories qui dirigent la marche du travailleur, ne ressemble guère plus à ce qu’elle était, il y a quelques années encore, que les théories chimiques actuelles ne ressemblent à celles qui avaient cours avant les brillantes découverte de la fin du siècle dernier.

Le triomphe, maintenant assuré, des doctrines évolutionnistes, a marqué une ère nouvelle ; tout ce qui est antérieur n’appartient plus désor-