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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Ernest Naville. La physique moderne. In-8o. Paris, G, Baillière. 1883.

La science contemporaine fait bon accueil au matérialisme. De nos jours, il est rare de rencontrer un physicien ou un chimiste, illustre ou médiocre, assez respectueux de la vérité expérimentale pour ne pas rêver de métaphysique. Le matérialisme et le spiritualisme, qu’on laisse volontiers à la porte des laboratoires, guettent la sortie du savant pour lui offrir chacun son alliance ; d’ordinaire, le spiritualisme a le dessous. Il n’en était pas ainsi au début de ce siècle ; la science, trop jeune encore pour oublier ses origines, se souvenait des Descartes, des Newton, des Leibniz, et se rappelait que le spiritualisme l’avait aidée à naître. M. Naville voudrait guérir nos savants contemporains du péché d’ingratitude,

Pourquoi chasser Dieu de la science, lorsque les Kopernik, les Képler les Descartes ont fait honneur à Dieu de leurs découvertes ? Cela, M. Naville le prouve, et ses textes font autorité. Ils avaient certes la foi en Dieu, ces maitres de la science moderne ; ce n’est pas assez dire : ils croyaient au Dieu de l’Évangile, tous spiritualistes, tous chrétiens. Certes, il est d’un bon chrétien de rapporter à Dieu le meilleur de ce qu’il fait ou de ce qu’il trouve. Toutefois une distinction veut être faite entre ce que l’on trouve par la grâce de Dieu et ce que l’on découvre en suite de ce que l’on sait de la nature divine.

Les lois du mouvement, par exemple, peuvent-elles se déduire de la doctrine professée par la théologie chrétienne sur les attributs divins. Et d’abord le principe de l’inertie de la matière a-t-il pour conséquence immédiate la création du monde, ou, plus simplement, l’efficience du mouvement par un moteur externe ? La matière n’est jamais en repos : tout se meut dans l’univers, même l’immobile apparent. Sans doute on peut, avec Descartes, continuer à dire que l’étendue est inerte. Mais l’étendue n’est pas la matière, ou du moins la matière du géomètre, et qui n’existe que pour lui seul, n’est pas la matière réelle. Que signifie donc l’’inertie de la matière ?

« Un corps qui est en repos ne peut se mettre de lui-même en mouvement. Un corps qui est en mouvement ne peut modifier de jui-même son état de mouvement. » Si rien ne lui fait obstacle, il persévérera dans sa direction primitive sans dévier ni vers la droite