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Il y a d’ailleurs d’autres cas aussi probants. Moreau de Tours s’exprime très nettement sur le compte d’un hermaphrodite qu’il eut occasion d’étudier à fond. « Elle (nous disons elle plutôt que lui parce que le sujet avait été inscrit sur les registres municipaux comme fille et en avait toujours porté les vêtements) s’attachait indifféremment à un sexe ou à un autre ; ses jouissances étaient les mêmes, soit qu’elle prodiguât, soit qu’elle reçût des caresses ; nous avons obtenu, sur ce point délicat, les aveux les plus formels et les plus précis[1]. » C’est ce qu’a également reconnu Tardieu d’une façon générale. « Les facultés affectives et les dispositions morales des hermaphrodites, dit-il, subissent ordinairement le contre-coup de la conformation vicieuse des organes. » Et l’illustre professeur ajoute avec raison : « Toutefois il est juste de faire une large part à l’influence des habitudes et des occupations qu’impose à ces individus l’erreur commise sur leur sexe réel. » C’est alors qu’il rapporte à peu près intégralement, dans sa remarquable étude sur l’identité[2], la fameuse et déplorable histoire d’Alexina B…., qui prouve à merveille la grande influence qu’exerce sur les facultés affectives et sur les dispositions morales la malformation des organes sexuels. Et, qu’on le remarque, Alexina n’était pas un fou.

On conçoit alors à quels troubles psychiques peut donner lieu une malformation analogue chez des individus dont le système nerveux a quelque tare. Il est fatal que dans ces conditions la folie se développe, s’accompagnant de quelqu’une de ces aberrations du sens génésique dont il a été question dans tout le cours de cette étude, ou même prenant la forme dominante d’une perversion sexuelle.

Ainsi la constitution anatomique détermine l’exercice de la fonction. Mais — et voilà le second point sur lequel l’attention, ce semble, doit se porter — à la constitution anatomique et à la fonction corres-

    lage de ses organes génitaux en même temps qu’il me donnait divers renseignements sur son état physique et mental, qu’elle : paraît peu intelligente. Par suite, tout ce qu’elle dit au sujet de ses sensations pourrait sembler suspect : est-elle capable d’analyser ce qu’elle ressent ? Mais cette simplicité même, ne serait-elle pas au contraire une preuve de la sincérité de ses affections et qu’elle dit vrai quand elle parle de sa propension pour les femmes et de ses relations féminines existant simultanément avec les relations maritales ? Ou bien on ne saurait attribuer cette vie génitale double qu’à une dépravation qui serait singulière chez un être d’intelligence médiocre, car il faut avoir les sens et l’esprit raffinés pour songer à profiter d’une disposition anatomique toute particulière.

  1. La psychologie morbide dans ses rapports avec la philosophie de l’histoire, ou de l’influence des névropathies sur le dynamisme intellectuel, Paris, 1859, p. 228.
  2. Question médico-légale de l’identité dans ses rapports avec les vices de conformation des organes sexuels, contenant les souvenirs et impressions d’un individu dont le sexe avait été méconnu, Paris, 1814.