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a pris et tend de plus en plus à prendre une très grande place en médecine. La description cède le pas à la critique.

Cela est vrai en pathologie mentale, comme en pathologie interne ou externe. Par malheur, on commence seulement à appliquer la physiologie aux recherches concernant l’aliénation mentale ; et, s’il est certain que le véritable histologiste est physiologiste, l’histologie aussi, sous la forme de l’anatomie pathologique, à beaucoup à faire dans ce domaine. Mais, si le médecin aliéniste doit être physiologiste, il doit encore être psychologue, tout le monde le conçoit aisément. Pourtant’c’est de psychologie surtout qu’ont manqué les aliénistes. Il se pourrait toutefois que ce fût la psychologie qui ait manqué aux aliénistes. On sait en effet le tort que la psychologie dite rationnelle a parfois porté aux études de pathologie mentale. N’est-ce pas, pour prendre un exemple, à l’ancienne doctrine des facultés de l’âme que l’on doit la théorie si décriée des monomanies ? — Quoi qu’il en soit, on ne niera pas la difficulté d’attribuer son exacte signification à un trouble psychique, si d’abord on ne connaît l’esprit et ses fonctions. La preuve en est que ce qui fait très souvent défaut dans les observations et les descriptions des aliénistes, c’est une conclusion.

On le voit bien dans les travaux relatifs à ce qui a été appelé plus haut l’érotisme. Beaucoup de ces études ont été faites, ce semble, sans but et sans règle : sans règle, car la psychologie est absente de ces travaux, alors qu’elle devrait en être le guide ; sans but, car, sans une psychologie assurée, peut-on en faire sortir quelque idée générale et ainsi leur donner une portée réellement scientifique ? Leur seul objet paraît donc être souvent de remplir des cadres nosologiques.

Et pourtant la psychologie, de son côté, semblerait devoir retirer un grand profit d’une physiologie et d’une pathologie précises de l’instinct sexuel. Si en effet les troubles dépendant de cet instinct jouent dans la folie ce rôle considérable qui a été signalé tout à l’heure, n’est-il pas nécessaire de les étudier minutieusement, au point de vue psychologique[1] ?

I. Les sujets chez lesquels on constate surtout des désordres de ce genre forment une grande classe de malades, qui intéresse particulièrement le psychologue. Ces malades sont les « dégénérés héréditaires », et il n’est peut-être pas d’aliénés dont l’observation puisse fournir davantage pour la connaissance du mécanisme mental. Tous

  1. Il va de soi que les faits dont il s’agit seront exposés sans fausse pudeur. D’une part, les choses doivent être appelées par leur nom, ou alors on ne se comprend plus ; et, d’autre part, ni le médecin ni le philosophe ne doivent apporter de préoccupations morales dans l’étude des phénomènes naturels.