Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/7

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3
SPENCER. — passé et avenir de la religion

secondaires ou des demi-dieux plus nombreux que les premiers, et ainsi de suite en descendant ; ainsi se forme un panthéon ; mais la hiérarchie n’est pas encore nettement distincte comme nous le voyons chez les Romains qui appellent les esprits ordinaires des dieux-mânes et chez les Hébreux qui les désignent sous le nom d’Elohim. En outre l’autre vie dans l’autre monde n’étant que la répétition de la vie dans ce monde, par rapport aux besoins, aux occupations et à l’organisation sociale, il se produit une différenciation de grades parmi les êtres surnaturels non seulement au point de vue de leurs pouvoirs, mais encore au point de vue de leur caractère et de leur genre d’activité. Il y a des dieux locaux, et des dieux présidant à tel ou tel ordre de phénomènes ; il y a de bons et de mauvais esprits de différentes espèces et là où la conquête a amené une superposition de sociétés, dont chacune a son propre système de croyances relatives aux esprits, il résulte une combinaison complexe de ces croyances, il se constitue une mythologie.

Les esprits étant naturellement à l’origine des doubles semblables en toute chose aux originaux ; et les dieux (quand ils n’étaient pas les membres vivants d’une race conquérante) étant les doubles des hommes les plus puissants, il arrive qu’à l’origine ils sont également tout aussi humains que les esprits ordinaires quant à leurs caractères physiques, leurs passions et leur intelligence. De même que les doubles des morts ordinaires, ils sont supposés consommer la viande, le sang, le pain, le vin qu’on leur offre, d’abord à la lettre, plus tard d’une manière plus spirituelle, quand ils sont censés en consommer seulement l’essence. Ils apparaissaient non seulement comme des personnes visibles et tangibles, mais ils entrent en lutte avec les hommes, sont blessés, éprouvent de la douleur ; la seule différence est qu’ils possèdent un pouvoir miraculeux de se guérir et par conséquent l’immortalité. Ici, à la vérité, il faut une restriction ; car non seulement différents peuples croient que les dieux subissent une première mort (comme il arrive naturellement là où ils sont les membres d’une race conquérante, et où ils sont appelés dieux à cause de leur supériorité), mais, comme dans le cas de Pan, même les peuples avancés pensent qu’un dieu subit une seconde et dernière mort semblable à cette seconde et dernière mort subie par un esprit d’après la croyance des sauvages de nos jours. À mesure que la civilisation progresse, la divergence entre l’être surnaturel et l’être naturel devient de plus en plus marquée. Rien n’arrête la dématérialisation de l’esprit et du dieu ; et cette dématérialisation progresse insensiblement avec l’effort fait pour arriver à la conception de l’action surnaturelle ; le dieu cesse d’être tangible et