Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/691

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
687
ANALYSES.götte et weismann. La vie et la mort.

entier. Au fond une partie de lui ne meurt pas ou ne meurt qu’accidentellement. C’est ainsi qu’il n’y a pas de mort sans cadavre.

Weismann termine son opuscule en complétant en quelques pages les vues qu’il avait émises antérieurement sur la durée de la vie. Cette partie de son ouvrage se résume dans les deux propositions suivantes :

La loi biogénétique ne s’applique qu’aux êtres pluricellulaires, et non aux êtres unicellulaires. Il n’y a de germe proprement dit que ce qui est susceptible, non d’une simple croissance, mais de développement, c’est-à-dire ce qui ne possède pas encore la constitution de l’individu tout formé.

La durée plus ou moins longue de la vie repose, comme la mort, sur une accommodation.

L’auteur conclut en ces termes : « La procréation n’est pas une résultante de la mort, elle est une propriété primitive de la matière vivante, comme la croissance dont elle procède ; sans elle la vie ne se conçoit pas comme capable de durée, non plus que sans l’alimentation et l’échange de matière. Mais la vie est quelque chose qui dure et non quelque chose de périodiquement interrompu. Dès qu’elle a apparu dans les formes les plus rudimentaires, elle s’est maintenue sans interruption ; ces formes seules ont changé, et tous les individus de toutes les formes même les plus hautes, qui vivent aujourd’hui, sont issus par un enchaînement interrompu de ces êtres inférieurs et primitifs. Il y a une complète continuité de la vie. »

La brochure dont je viens de donner l’analyse est peu volumineuse ; mais elle vaut maint gros ouvrage par l’importance du fond. M. Weismann n’est pas seulement un savant, c’est aussi un penseur du premier ordre.

Cependant là n’est pas l’unique motif qui m’a fait entrer dans tant de détails, Comine suite à mon article sur la matière brute et la matière vivante[1], je me suis occupé du problème de l’origine de la vie et de la mort. Je croyais que personne ne l’avait abordé, et j’ai terminé complètement mon travail sans subir aucune espèce d’influence.

La brochure de M. Götte n’a révélé, entre autres choses, l’existence du discours de M. Weismann que j’ai pu me procurer ; quelques jours après le nouvel opuscule du même auteur me parvenait. Cependant j’ai cru ne devoir absolument rien changer à mon étude qui paraîtra telle que je l’ai conçue et rédigée. Si j’agis ainsi, ce n’est pas qu’un vain amour-propre m’inspire. Mais mon point de départ et la manière dont j’expose et j’essaye d’expliquer la vie et la mort, s’éloignent notablement des vues de M. Weismann. D’un autre côté des rencontres étaient inévitables, C’est pourquoi j’ai tenu à mettre tout d’abord sous les yeux du lecteur le résumé des travaux de mes devanciers. Ils auront ainsi une première mesure pour juger les miens.

J. Delbœuf.

  1. Voir Revue philos., octobre 1883.