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ou s’arrêter dans la voie où la science l’entraîne : et cependant peut-il davantage renoncer à l’idéal ?

Telle est l’antinomie que M. Fouillée cherche à résoudre. Mais dût-il y échouer, il n’en aura pas moins rendu à la philosophie morale de notre temps cet inappréciable service de la mettre, par sa franche et courageuse critique de tous les systèmes, en présence des vraies difficultés ; et si elle a le sincère désir de les vaincre, elle lui sera sans doute reconnaissante, comme autrefois Kant envers Hume, de l’avoir éveillée de son sommeil dogmatique.

E. Boirac.

Dr Mühry. Kritik und kurze darlegung der exacten naturphilosophie. — Ein beitrag zu der in gegenwart auf naturwissenschaftlichen grunde sich vollführenden neuen constituirung der philosophie. (Critique et exposition succincte d’une exacte philosophie de la nature.) — Göttingen, Vandenhoeck et Ruprecht, 1882. — XV-287 p. in-8o, 5e édition.

Que l’esprit existe au même titre que la matière, et qu’une conception dyoïstique du monde (pour parler la langue de l’auteur) devra être substituée au monisme matérialiste ou idéaliste ; que le psychique, ou le logique, est tout ce qui participe à un but, qui a été pensé ou est pensant, et que la tâche supérieure de la philosophie est aujourd’hui d’introduire franchement la téléologie dans la science, d’où l’on a eu tort de la bannir : telle est, en gros, la thèse du Dr Mühry. L’auteur essaye, après tant d’autres, de jeter un pont, qui, par delà le gouffre des hypothèses, aille s’appuyer à la terra ignota, et l’on a beau manquer toujours l’opération, le critique obstiné et curieux ne peut se défendre d’y prendre intérêt encore. M. Janet, il y a quelques années déjà, a su nous attacher avec son habile livre des Causes finales. C’est à présent M. Mühry qui fait appel à la bonne foi des chercheurs indépendants, et ceux qu’il ne réussira point à convaincre n’auront pas tout à fait perdu leur temps à lire son livre, qui est plein d’érudition, nettement écrit, et où le ton de la science est gardé aux endroits même les plus hasardeux.

Les précédentes éditions de cet ouvrage, nous dit l’auteur en un avant-propos, n’en étaient que les ébauches, et nous avons ici l’expression définitive de sa foi scientifique, acquise au cours de toute une vie d’étude. La matière de cette nouvelle édition est distribuée en 19 paragraphes, augmentés de notes ou scholies. L’étendue de ces scholies excède souvent celle du texte ; du moins le texte, quoique çà et là coupé encore par de longues parenthèses, se trouve débarrassé ainsi de nombreux détails qui y eussent dispersé l’attention, et l’auteur a pu se répandre à son aise en ces scholies, ainsi que dans les notes et