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nement plus ou moins compliqué des courants dans les cellules de ce centre, puis réflexion finale sous forme de courants centrifuges. Si ces courants centrifuges se rendaient directement dans des muscles ou des glandes, ils seraient moteurs par le fait même qu’ils seraient centrifuges. Mais on a vu, dans les préliminaires de cette étude, que les courants centrifuges émanés des centres supérieurs suivent pour se rendre aux organes une voie plus qu moins indirecte, de même que les courants centripètes n’aboutissent aux centres corticaux que plus ou moins indirectement. Les circonvolutions cérébrales ne sont point en communication directe avec les organes : elles n’agissent sur ceux-ci, de même que ceux-ci n’agissent sur elles, qu’indirectement, par l’intermédiaire d’autres centres interposés à la façon de bureaux intermédiaires entre le public et un bureau central, Il n’en est pas moins vrai que lorsqu’un courant nerveux se dirige vers le cerveau, c’est un courant sensitif et, l’on peut dire par analogie, que lorsqu’un courant nerveux issu des circonvolutions se dirige vers les organes c’est un courant moteur, même s’il doit aboutir directement à des centres interposés. L’expérimentation vient à l’appui de cette manière de voir. L’excitation des fibres blanches issues des circonvolutions cérébrales produit des mouvements, et plus sûrement encore que l’excitation des fibres centripètes ne produit les phénomènes de sensibilité, car ces phénomènes ne se produisent pas si on excite directement les fibres cérébrales centripètes : il faut que l’excitation artificielle soit produite en deçà des couches optiques. Et cependant ces fibres cérébrales, inexcitables artificiellement, sont bien des fibres sensitives. Il est donc tout au moins aussi rationnel de dire que les fibres cérébrales issues des circonvolutions sont des fibres motrices.

Mais, objectent les adversaires de la fonction motrice du cerveau, ces fibres se rendent dans des ganglions que nous savons être des ganglions spécialement moteurs, à savoir les corps striés et le cervelet. Elles sont donc en réalité comparables, physiologiquement, aux fibres qui unissent les cellules « sensitives » et « motrices » dans un mécanisme nerveux ordinaire d’actions réflexes. Les courants corticaux efférents ne font que mettre en activité les véritables centres moteurs. La preuve, selon M. Ch. Bastian, que les fibres cérébrales efférentes ne sont pas des fibres motrices, c’est qu’elles émanent « d’un centre ou groupe de cellules de nature sensitive[1] »,

C’est là une pure pétition de principe, car c’est supposer que toutes les cellules corticales sont exclusivement sensitives, ce qui

  1. Voyez à ce sujet le chapitre fort instructif d’ailleurs du livre de Charlton Bastian : Le cerveau organe de la pensée, t.  II, p. 498.