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MANOUVRIER. — la fonction psycho-motrice

Là-dessus Gratiolet cite un grand nombre de faits dont la liste pourrait aujourd’hui s’augmenter considérablement : symptômes cardiaques, troubles stomachiques et intestinaux causés par l’imagination purgations, guérisons produites par des pilules e mica panis, sensations douloureuses, syncopes produites à la la suite de simples simulacres de blessures salivation abondante, produite à volonté par le physiologiste Eberle en fixant son imagination sur l’idée de quelque fruit acide — baillement, rire provoqués contagion des tics, des gestes, des attitudes, etc. habitus professionnels stigmates produits par l’imagination. « Ici, dit Gratiolet, la physiologie n’ira pas plus loin que François de Sales expliquant les stigmates de saint François d’Assise : L’âme, forme et maîtresse du corps, usant de son pouvoir sur iceluy, imprima les doleurs des plaies dont elle estoit blessée, es endroits correspondants es quels son amant les avoit endurées.  »

Si nous avions à faire ici un historique, nous pourrions citer encore d’autres opinions et d’autres exemples plus ou moins authentiques rapportés par les auteurs relativement à l’influence de l’imagination sur les mouvement de corps. Malebranche, au dire de Gratiolet, ne posait aucune limite à cette influence. Mais notre but est seulement de montrer combien la notion de courants nerveux centrifuges émanés des centres psychiques peut être avantageusement substituée aux mots quelque peu métaphysiques de sympathie et d’imagination, qui ne servaient qu’à exprimer verbalement les phénomènes sans en indiquer aucunement la cause réelle. L’explication moderne de ces phénomènes laisse encore beaucoup à désirer ; sans doute, mais elle possède au moins une base positive accessible à la recherche scientifique. Elle est surtout lumineuse si l’on complète la notion de courants cérébraux centrifuges par celle de l’intime correspondance de ces courants avec les courants intra-corticaux qui constituent ce que nous désignons, en tant qu’états de conscience, sous le nom d’imagination. Comparons cette correspondance de mouvements à celle qui existerait, par exemple, entre les différentes pièces d’un automate constitué par un joueur de piano, dont les mouvements des mains seraient produits par ceux des touches tout aussi bien que les mouvements de celles-ci par ceux des mains. Nous nous ferons ainsi une image grossière de la correspondance qui existe, suivant l’expression de Gratiolet, entre les mouvements du corps et ceux de l’imagination. Le savant illustre que nous venons de citer, ne méconnaissait pas la réciprocité de cette correspondance et nous citerions intégralement le beau et trop court chapitre dans lequel il traite de l’influence des mouvements extérieurs et des attitudes du corps sur l’imagination[1], si nous pouvions

  1. Gratiolet, Loc. cit., t.  II, p. 628.