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F. PAULHAN. — la morale idéale

répondre que les lois les plus abstraites et les moins incontestables ne nous apparaissent peut-être comme telles que par suite d’une nécessité subjective, entendue à la manière de Kant ou de Stuart Mill. Cette loi achèverait la science en systématisant les autres lois et en les réunissant solidement par un lien logique, solidement maintenu par la réalité objective, elle réunirait la science abstraite et la science concrète, qui sont maintenant séparées l’une de l’autre à certains égards. En effet, si on peut de la science concrète tirer la science abstraite, il est impossible de faire l’opération inverse, puisque, par définition, les lois abstraites pourraient s’appliquer à un monde tout différent d’un autre. Elle participerait de la loi abstraite par sa généralité, elle tiendrait en même temps à la science concrète par sa considération du monde réel.

On peut tirer aussi de cette dernière considération cette conséquence qu’il ne faut pas affirmer d’une manière absolue que les lois abstraites ne sont pas du tout modifiables par la réalisation graduelle d’un idéal. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que nous ne pouvons guère prévoir et imaginer ce changement, qui, dans tous les cas, serait beaucoup plus long, beaucoup plus difficile et beaucoup plus complexe.

On voit comment ceci complète ce que nous avons vu tout à l’heure sur les rapports de la philosophie idéale et de la philosophie scientifique.

Fr. Paulhan.