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LA MORALE IDÉALE


La morale est une systématisation de la vie. Elle est la systématisation la plus grande possible, de plus elle est une systématisation et n’est pas autre chose. C’est du moins ainsi qu’elle se présente quand on se place au point de vue le plus abstrait et le plus général. Nous verrons tout à l’heure les raisons qu’il y a de la définir ainsi, comment la systématisation est bien le caractère essentiel, comment les autres caractères se ramènent à celui-là qui est le plus général, se confondent avec lui, et en dérivent. Mais j’ai cru devoir indiquer d’avance en quelques mots la théorie qui est à la base de cette étude. Toutefois, avant d’aborder directement la morale, il est certaines considérations d’ordre plus abstrait dans lesquelles nous devons forcément entrer. La théorie de la morale, en effet, n’est pas une branche isolée des connaissances humaines, elle se rattache à la théorie de la pratique et de l’idéal, et se déduit des lois générales qui constituent ce qu’on peut appeler la philosophie de l’idéal par opposition à la philosophie positive et de la réalité actuelle. C’est de cette philosophie de l’idéal que nous devons nous occuper tout d’abord.

I

La science de l’homme ne se borne pas à la connaissance des phénomènes passés ou présents et des lois qui les régissent. Elle s’étend aussi à des combinaisons conditionnelles et idéales de phénomènes. La connaissance de certaines lois abstraites applicables à certains ordres de phénomènes et réalisées actuellement dans ces phénomènes nous permet d’imaginer, en changeant les conditions de l’expérience, un monde bien différent du premier, quoique soumis aux mêmes lois générales. Ainsi, nous pouvons avec les lois de la biologie imaginer des êtres soumis à ces lois, mais qui n’ont pas d’existence réelle. Nous pouvons imaginer des êtres différents de