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ment toute la géométrie. Il ne s’agissait que de déduire et d’appuyer chaque déduction par une recherche expérimentale.

Nous allons maintenant nous demander quel est l’élément sensoriel qui intervient dans les hallucinations de l’hypnotisme. Tous les caractères de ces hallucinations s’expliquent facilement lorsqu’on suppose que l’hypnotique associe l’image cérébrale de l’objet imaginaire à une sensation réelle venue du monde extérieur. Cette supposition s’impose même avec tant de force qu’elle équivaut presque à un fait démontré.

Cependant, examinons la manière dont les hallucinations hypnotiques prennent naissance ; on n’y trouve rien qui fasse penser que ces symptômes sont de nature psycho-sensorielle. C’est par une suggestion verbale qu’on provoque l’hallucination. Il suffit de dire à la malade : « Voilà un serpent ! » pour qu’elle voie le serpent ramper devant elle. Qu’y a-t-il d’extérieur, qu’y a-t-il de vrai dans cette apparition ? Ne semble-t-il pas au premier abord que ce phénomène est tout entier d’ordre cérébral ? Et s’il fallait donner un exemple d’hallucinations psychiques, ne serait-on pas tenté de citer celles de l’hypnotisme ? Voici comment il faut comprendre que les sens interviennent dans les hallucinations visuelles chez l’hypnotique.

L’œil de l’hypnotique ne cesse pas d’être sensible aux rayons lumineux qui partent des objets extérieurs. Il en résulte qu’au moment où la suggestion verbale fait naître l’hallucination l’image qui se construit dans l’esprit du sujet s’associe, — par une action inconsciente, — à l’impression lumineuse qu’il ressent simultanément. Par exemple, si le malade a les yeux fixés sur une table, c’est la vue de ce point qui entrera en connexion avec l’image hallucinatoire. Mais l’expérimentateur est le maître d’assigner à l’hallucination tel siège qui lui plaît, en attirant l’attention du sujet sur le point qu’il a choisi, Quelle que soit la manière de procéder, le résultat est toujours le même ; l’image provoquée ne reste point à l’état de phénomène subjectif ; elle s’organise avec une sensation visuelle, elle est extériorée sur une partie quelconque d’un objet extérieur, qui sert désormais au sujet de point de repère. Or, c’est en agissant sur ce point de repère matériel qu’on imprime des modifications à l’image hallucinatoire. Tout le démontre ; dans l’expérience du miroir, l’hallucination ne donne lieu à une image virtuelle que si le miroir réfléchit le point de la table qui a été assigné comme siège à l’objet imaginaire. Il en est de même dans l’expérience du prisme ; si l’image hallucinatoire est dédoublée et déviée par le prisme, c’est parce que le sujet rapporte cette image à un point extérieur ; ce point se trouve tout naturellement dédoublé et dévié par le prisme,