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tères, on reconnaît une hallucination de cause objective. Le phénomène présentait-il d’autres caractères du même ordre. Oui, l’apparition était dédoublée par la pression oculaire. « M. H…, désirant vérifier l’expérience fameuse de Brewster, pressa le globe d’un de ses yeux, sans autre effet que de rendre simplement la figure moins distincte. Mais en regardant obliquement, il vit la figure double et de grandeur naturelle. » L’observation est intéressante, mais presque unique en son genre. Pour remédier à cette pénurie de documents, nous avons étudié les hallucinations hypnotiques ; ce sont celles qui se prêtent le mieux à l’expérimentation.

Hallucinations de l’Hypnotisme. — Les expériences que nous allons relater ont été-faites à la Salpêtrière, dans le laboratoire clinique de M. Charcot, sur trois[1] jeunes filles atteintes d’hystéro-épilepsie à crises mixtes (hysteria major, Ch.). Nous endormions habituellement nos sujets par la fixation du regard ou par la pression oculaire. Elles présentaient toutes les trois, à des degrés divers, les trois phases de l’hypnotisme, désignées sous les noms de léthargie, catalepsie et somnambulisme. Nous rappellerons brièvement les symptômes distinctifs de ces états.

La léthargie est caractérisée par le phénomène bien connu de l’hyperexcitabilité nevro-musculaire ; la catalepsie, par la propriété que possèdent les membres de conserver sans secousses les diverses attitudes qu’on leur imprime ; le somnambulisme, par une rigidité musculaire qui se manifeste à la suite d’une légère excitation cutanée et qui ne cède pas à l’excitation des muscles antagonistes.

Pour obtenir des résultats comparables entre eux, nous avons toujours placé nos sujets dans l’état somnambulique ; nous faisions naître les hallucinations en les suggérant simplement par la parole. Lorsque le somnambulisme était profond, une simple affirmation suffisait pour faire apparaître à la malade tout ce que nous voulions ; dans les formes plus légères, il fallait répéter l’affirmation à plusieurs reprises.

Nous pouvons résumer nos recherches dans la formule suivante, que nous empruntons à M. Ch. Féré : « l’objet imaginaire qui figure dans l’hallucination est perçu dans les mêmes conditions qu’un objet réel. » Cette règle n’est pas absolument vraie ; on la trouve souvent en défaut quand les phénomènes deviennent un peu complexes. D’ailleurs, prise en elle-même, ele m’explique rien : ce n’est qu’une formule commode pour grouper les faits et guider les recherches.

Si l’objet imaginaire est perçu comme un objet réel par l’hypnoti-

  1. Le nombre des sujets est aujourd’hui de cinq.