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à un observateur superficiel. Quand dans le sommaire, p. xii, on lit : jeu et religion, on ne sait au premier abord comment cela rime ensemble. Le voici : « Parmi les contrastes qui remplissent… le tout de la vie, nous avons vu se montrer celui du travail et du loisir. Le travail, ce sont nos facultés s’appliquant dans le fini ; mais le chemin qui nous fait franchir les bornes du travail peut suivre une double direction, l’une vers en haut, vers la religion ; loin des soins et des soucis pour les fins de la vie, l’âme rentre en elle-même, pour s’élever vers le divin ; l’autre vers en bas, pour créer un monde de l’apparence et du plaisir (p. 36) » (c’est encore du Schiller, son monde de la belle apparence, Lettre 26). À la page 79, la liaison des deux idées est rendue plus sensible par l’intermédiaire du hasard et du destin, dont l’un donne son nom à toute une classe de jeux et dont l’autre joue un si grand rôle dans la tragédie antique.

Notre philosophe n’admet pas la manière de considérer la vie de Pascal (p. 47) et des pessimistes ; pour eux, l’occupation sérieuse ou le jeu n’ont d’autre but que de nous faire oublier un instant le néant, la misère irrémédiable de la vie.

Quand il entre dans le détail des différents jeux, M. Lazarus montre en cette matière des connaissances qu’on ne s’attendrait pas à trouver chez un philosophe. Il n’en est pas un dont les règles et la marche lui échappent. Cette partie technique était la base indispensable à ses études psychologiques qui portent sur le rôle de l’espérance et de l’imagination dans les jeux, sur la symbolique du jeu, c’est-à-dire les côtés de la vie réelle qu’ils doivent nous rappeler, sur la superstition des joueurs dans les jeux de hasard (p. 88), « la plus noire des ombres que la manie du jeu jette sur l’homme, » etc. Il a passé l’hiver dernier à Nice ; nous ne serions pas surpris que son livre eût été conçu là, et qu’il y ait recueilli ses observations autour des tables de jeux soit de Nice, soit de Monaco. Que de joueurs ont dû être le point de mire de sa pénétrante psychologie (Spieler, die ich vielseitig aufs psychologische Korn genommen, p. 88). Nous n’avons qu’un regret, en finissant : c’est d’être obligé de tant écourter notre compte rendu. Cette dissertation, comme ses autres travaux, remue tant d’idées et fait pénétrer si avant au fond des choses, que si quelqu’un, comme certain de ses amis (p. vii), prétend que ces sortes d’analyses minutieuses détruisent le plaisir que nous prenons aux objets, nous lui répondrons par ces paroles de notre auteur (p. viii) : « Voici bien des années que je réfléchis sur les raisons de notre sentiment des beautés de la nature ; chaque hiver, je me livre à cet examen dans mon cabinet de travail, soit involontairement, soit à dessein ; chaque été et dans toute belle contrée, je n’ai pas pour cela senti les charmes de la nature avec moins de vivacité, de bonheur et de certitude. »

H. Schmidt.

Charles Borgeaud, J. J. Rousseau’s religionsphilosophie (Philosophie religieuse de J.-J. Rousseau), unter Benutzung bisher nicht