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REVUE GÉNÉRALE. — la connaissance mathématique

conclure que par le moyen indirect d’une hypothèse, dont la légitimité est d’ailleurs attestée par toutes nos expériences.

Il y aurait donc une différence essentielle entre les formes de conception, espace et temps, et les autres formes, comme couleurs, sons, etc. Cette hypothèse est incontestablement hardie, mais sa possibilité suffit à justifier la position prise dans cette question par la science moderne, et cette position est beaucoup moins facile à ébranler que ne le croit en général l’idéalisme dominant.

M. Kroman arrête ici le cours de son étude et termine son livre par un résumé des principales conclusions.

On ne peut nier qu’il n’ait repris le problème entier de la connaissance scientifique dans les termes où il est posé depuis Kant, et qu’il ne l’ait traité complètement ; les résultats auxquels il est arrivé, sont d’ailleurs, en thèse générale, tellement d’accord avec mes opinions particulières que je n’ai guère de critique à entreprendre, tandis que dans, leur nombre si considérable, il m’est difficile d’en choisir qui méritent plus que d’autres d’être motivés et soutenus plus qu’ils n’ont pu l’être dans l’exposé qui précède, exposé sans doute trop long pour mes lecteurs, mais que j’ai regretté, à chaque ligne, de ne pouvoir mieux développer.

Toutefois, pour justifier le titre de cette revue, je vais reprendre quelques points de ce qui concerne spécialement la théorie de la connaissance mathématique.

M. Kroman a limité son travail à la partie élémentaire de la science, et n’a nullement abordé les questions plus élevées, traitées par MM. Cohen et Paul Du Bois-Reymond. Son plan le lui commandait ainsi ; mais il a suffisamment prouvé, dans la seconde partie de son livre, que sa compétence peut s’élever plus haut. On ne peut donc que désirer qu’il tente également d’apporter, dans le domaine laissé de côté par lui, les lumières que l’on peut attendre de son talent d’exposition et de ses précieuses qualités philosophiques.

La seule incursion qu’il se soit permise en dehors des théories élémentaires, nous a donné le chapitre sur la métagéométrie. Je pense qu’il aurait pu accorder un peu plus à l’empirisme pour les garanties de la véracité du postulatum sur les parallèles, et qu’il n’aurait pas ainsi ébranlé les remarquables conclusions auxquelles il est arrivé.

Ces conclusions sont principalement : 1o que les objets de la mathématique sont des objets créés par nous-mêmes et nullement des objets réels ; 2o que l’intuition d’espace est indispensable à tout raisonnement, fût-il purement logique.

Je crois que la première proposition ne soulèvera aucune difficulté ;