Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/439

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
435
REVUE GÉNÉRALE. — la connaissance mathématique

Les jugements mathématiques sont-ils analytiques ou synthétiques

Un jugement synthétique a priori est-il réellement possible ? la science apriorique l’est-elle donc par conséquent ?

Si on prend comme exemple la démonstration d’un théorème de géométrie élémentaire, on reconnaît bien vite que la distinction des jugements analytiques et synthétiques, dont Kant est parti, est passablement flottante, et que les différentes définitions corrélatives qu’on a essayé d’en donner, sont en réalité insuffisantes.

Chaque jugement est en même temps une opération de raison et une opération d’intuition. Cette expression d’intuition est d’ailleurs elle-même susceptible de plusieurs sens, et peut signifier aussi bien l’acte du sujet que l’image même qui est l’objet de l’intuition. Dans le premier cas, l’intuition est chose de raison, dans le second, chose des sens et de l’imagination. Tout jugement nécessite l’intuition dans les deux sens du mot.

Il est facile de comprendre dès lors que si claire et si précise que soit en apparence la définition de Kant, pour les jugements analytiques et synthétiques, on se trouve dans le plus grand embarras, même en présence des exemples mathématiques qu’il a donnés, « 5 + 7 = 12 » et « la ligne droite est le plus court chemin d’un point à un autre ». Il y a certainement des jugements dont le caractère est indubitable, mais il en est d’autres dont la nature est nécessairement équivoque.

Les problèmes posés plus haut doivent donc changer de forme et se ramener à expliquer la constitution de la mathématique.

Dans cette science, l’intuition est l’élément de production, le principe d’identité est l’élément de contrôle. M. Kroman développe sur des exemples simples le sens qu’il donne à ces formules et explique le rôle des définitions et des axiomes, ainsi que le passage en mathématique du particulier au général.

Il arrive ainsi au concept de l’induction et soutient que ce qu’on appelle d’ordinaire l’ « induction complète » dépasse le principe d’identité et franchit par conséquent les bornes de la logique, qu’au contraire l’induction logique possède précisément le même degré de sûreté que le syllogisme ; mais il y a des inductions de certitude et des inductions de vraisemblance, absolument comina il y a des syllogismes correspondants. Ainsi, on conclut logiquement avec certitude ou avec vraisemblance que Pierre est mortel, selon qu’on prend la majeure « tous les hommes sont mortels » comme assurée où simplement vraisemblable. De même de ce que telle quantité d’oxygène a un poids spécifique déterminé, on induit logiquement,