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A. BINET. — l’hallucination

qui a lieu lorsque nous entrons en rapport par nos sens avec les objets extérieurs et présents. Ce phénomène paraît simple, mais c’est une illusion ; l’analyse y révèle la présence de deux phases bien distinctes. Physiologiquement, la perception sensorielle se compose d’une action des organes périphériques des sens et d’une réaction de l’encéphale. Psychologiquement, la perception est formée par deux groupes d’éléments associés ensemble, des sensations et des images mentales. Nous ferons bien comprendre la nature de cet acte fonctionnel en le comparant à un réflexe dont la période centrifuge, au lieu de se manifester au dehors par des mouvements, se dépenserait à l’intérieur en éveillant des associations d’idées. La décharge suit un canal mental au lieu de suivre un canal moteur.

Voici quelques exemples très simples : si je saisis un livre dans l’obscurité, j’éprouve une impression mixte du toucher et du sens musculaire qui fait jaillir dans mon esprit l’apparence visible du livre ; l’union de cette impression des sens et de cette idée de l’esprit forme une perception. Ou bien encore, je regarde la table de travail sur laquelle je viens d’écrire ; l’impression lumineuse que reçoit mon œil suscite l’idée de la résistance que je rencontrerais en appuyant ma main sur la table. Ces idées que nos sensations font naître par le mécanisme bien connu de l’association sont ce que M. Taine appelle des images, et les Allemands des représentations. Ce sont des états de conscience qui dérivent de sensations antérieures conservées et reproduites ; ce sont des résidus, des vestiges. Il est important de remarquer que tous les sens ont leurs images ; le plus grand nombre sont visuelles, mais il y en a de tactiles, de musculaires, d’auditives, etc. Il faut considérer la perception du monde extérieur comme un acte psycho-sensoriel, dans lequel les sensations produites directement par les objets extérieurs suscitent un certain nombre d’images qui se groupent et se coordonnent avec les sensations selon des rapports définis. L’objet extérieur, que nos sens perçoivent et qui nous paraît connu par un acte d’intuition simple, est en réalité formé par une association de ces deux sortes d’éléments, des sensations et des images.

Nous nous bornerons à deux ordres de preuves : une expérience physiologique et un cas pathologique. La démonstration se rapporte aux perceptions visuelles, qui nous intéressent plus que les perceptions des autres sens, au point de vue de l’histoire des hallucinations.

    tout simplement perception sont autant de termes que nous considérons comme synonymes.