LA LOGIQUE DE L’ENFANT
Le mot enfant revient souvent dans les discussions philosophiques. Mais, comme si la psychologie du premier âge était faite, on se montre en général fort coulant pour les exemples empruntés à la vie enfantine. D’un ton décidé, sans insister, on accorde ou refuse à l’enfant pris en bloc, et sans distinction d’âge, telle ou telle faculté de l’adulte. On affirme, par exemple, que l’enfant, ni plus ni moins que l’animal, conclut par inférence ; et l’homme, par raisonnement. Or, les inférences de l’enfant ressemblent en bien des cas à ce qu’on appelle des raisonnements chez l’adulte en possession de concepts généraux. On ne le nie pas ; et l’on convient alors que les raisonnements habituels de l’homme fait sont aussi des inférences, que l’homme ne raisonne guère, mais qu’il peut raisonner. Le raisonnement proprement dit est donc une opération artificielle, un procédé logique, une contre-épreuve de l’inférence, à l’usage à peu près exclusif des savants et surtout des logiciens.
La psychologie expérimentale n’a guère à s’occuper de cette faculté savante. Elle a déjà fort à faire d’étudier le raisonnement vivant concret, banal, et cela, d’un bout à l’autre de l’échelle zoologique. Naturalistes et philosophes se rencontrent depuis quelque temps sur ce nouveau champ de recherches. Heureux ceux qui peuvent tout à la fois expliquer les fonctions par l’organisation et l’organisation par les fonctions, depuis l’humble infusoire, jusqu’à l’animal supérieur, jusqu’à l’enfant, si vite en possession des puissances mentales qui le laissent par certains côtés au-dessous du stupide mollusque, de l’automatique fourmi et de la peu inventive abeille, mais qui peuvent faire de lui un Pascal, un Voltaire, un Lamarck, un Goethe, an Hugo, un Thiers, un Gambetta ! Mon rôle est plus modeste, à moi, simple psychologue à peine informé des découvertes de la physiologie et de l’histoire naturelle. D’autres arriveront à marquer avec quelque précision certains degrés de transition entre les différents
