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ANALYSES.cesca. Les théories nativistes et génétiques, etc.

base de toutes les intuitions extérieures, car on ne peut concevoir aucune représentation dans laquelle il n’y ait aucun espace. — 5o  Le néokantisme de Classen. Il faut distinguer la faculté d’avoir des idées générales d’espace et l’habitude acquise ensuite de déterminer les rapports des objets dans l’espace. Celle-ci admet un développement, celle-là est originaire, elle est une condition à priori qui ne peut être engendrée par l’exercice et par l’habitude, car elle précède toute expérience. L’espace est une condition à priori pour toute sensation de la vue, ce qui ne signifie pas le moins du monde qu’elle soit en nous dès le principe une connaissance innée de la structure et des lois de l’espace, mais simplement que la sensation de la vue ne peut être conçue que dans un objet déterminé hors de nous.

Seconde partie. — Les théories génétiques sont distribuées en cinq groupes, dont voici l’énumération psychologiques, associatives, psychophysiologiques de la localisation des sensations, psychophysiologiques de la localisation dans l’espace, psychogénétiques.

I. Les théories psychologiques sont : 1o  La théorie d’Herbart. L’âme étant une et simple, la représentation de l’espace n’est pas dans l’âme étendue, mais intensive. Elle ne se produit pas immédiatement, mais par gradation, grâce à la conjonction et fusion des représentations qui surgissent et deviennent actives, quand l’œil qui fixe et le doigt qui touche se meuvent en avant et en arrière. Entre deux points représentés l’un en dehors de l’autre, il y en a toujours un d’intermédiaire, et cette possibilité infinie de déterminer deux points parmi tous les autres est la base de la divisibilité infinie de l’espace sensible. — 2o  La théorie de Waitz. Ce philosophe fait de la représentation de l’espace un développement de la sensation intensive. Elle est basée sur l’essence simple et indivisible de l’âme, qui empêche la fusion de plusieurs sensations données simultanément en une représentation intensive, et par conséquent fait qu’elles s’ordonnent les unes à la suite des autres. Ainsi s’obtient la représentation générale de l’espace ; quant à l’arrangement spécial des impressions dans l’espace, il dépend des processus psychologiques secondaires et devient le produit de l’expérience, avec la coopération du tact et de la vue.

II. Les théories génétiques associatives : 1o  La théorie associative de Bain (1874). La théorie de Bain explique comment l’étendue nous semble originaire, tandis qu’elle ne l’est qu’associée aux sensations tactiles et musculaires, et comment la représentation d’espace provient de l’association des sensations tactiles et visuelles avec les sensations musculaires. — 2o  La théorie de Taine. Ce philosophe, développant la théorie de Bain, acceptée par Mill, a voulu expliquer la localisation des sensations en même temps que la notion d’espace. Nous avons en nous, dit-il, un atlas visuel, tactile et musculaire, au moyen duquel les sensations se localisent, toutes y étant disposées selon les sensations musculaires spéciales qui leur correspondent. Grâce à ces expériences diversement répétées, quand une sensation s’éveille dans le corps, elle