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LECHALAS. — sur le mode d’action de la musique

une modification correspondante de certains muscles : c’est une conséquence de l’action réflexe des nerfs sensitifs sur les nerfs moteurs. Ces faits tiennent de près à l’origine de la musique. « Toute musique est vocale à l’origine, dit Spencer. Tous les sons de la voix sont produits par le jeu de certains muscles. Ces muscles, comme d’ailleurs ceux de tout le corps, sont excités et se contractent par l’effet des sentiments de plaisir et de peine. Et c’est pourquoi les sentiments se déclarent aussi bien par le son de la voix que par les mouvements du corps… Nous avons donc là un principe qui se cache sous tous les phénomènes de la voix ; qui enveloppe les phénomènes de la musique vocale et par conséquent ceux de la musique en général. Comme les muscles qui mettent en jeu la poitrine, le larynx et les cordes vocales se contractent, ainsi que les autres, en raison de l’intensité des sentiments ; comme chaque contraction particulière de ces muscles comporte un ajustement particulier des organes de la voix ; comme chaque ajustement particulier de ces organes change la nature du son émis ; il suit que les variations de la voix sont les effets physiologiques des variations, dans les sentiments ; il suit encore que chaque inflexion, chaque modulation est la conséquence naturelle de l’émotion ou de la sensation du moment, et enfin que la raison du pouvoir expressif, si varié, de la voix doit se trouver dans ce rapport général qui est entre les excitations musculaires et les excitations mentales. »

Pour vérifier cette hypothèse, le philosophe anglais cherche à rendre compte des particularités essentielles de l’expression des sentiments par le son, particularités qu’il groupe sous ces titres : éclat, qualité ou timbre, hauteur, intervalle, vitesse relative des variations.

L’éclat ou l’intensité est en relation évidente avec l’effort musculaire qui produit le son ; aussi la voix prend-elle plus de force quand croissent les sensations et émotions correspondantes, à moins que celles-ci ne soient assez fortes pour provoquer une dépression des mouvements du cœur, ce qui fait apparaître le tremblement de la voix. Le timbre est plus sonore dans l’émotion ; or, pour obtenir cette plus grande résonance, il faut déranger les organes de leur position accoutumée, ce qui exige un effort musculaire.

La hauteur de la voix varie aussi avec l’effort des muscles vocaux : les notes du médium ne demandent pas un effort sensible, tandis que, pour donner une note très haute ou très basse, il en faut un considérable. Or les notes du médium sont celles de la conversation, tandis que les émotions se trahissent par l’emploi de notes élevées ou profondes, selon les cas.