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paroles écrites. Mais M. Delbœuf a sacrifié à la théorie régnante en admettant que, puisque son sujet ne rêvait pas de paroles écrites, il devait rêver de paroles entendues (images auditives). Il y a une troisième hypothèse : c’est que son rêve consistait en représentations motrices. Cette interprétation est la plus vraisemblable, comme il ressort de toutes les recherches qui précèdent.


II

Dr Stricker. Studien ueber die Bewegungsvorstellungen. Études sur les représentations de mouvements. In-8o, Vienne, 72 p., Braumüller.

L’étude sur les représentations de mouvements contient deux parties : l’une consacrée à des observations faites par l’auteur, l’autre à des considérations générales. Nous insisterons surtout sur la première.

D’après la théorie régnante en physiologie, la perception des mouvements d’un corps dans le monde extérieur consisterait en ceci : les perceptions visuelles correspondant aux diverses phases d’un mouvement se fondraient en une représentation unique correspondant au mouvement du corps. L’auteur rejette cette doctrine pour accorder une influence prépondérante aux représentations internes du mouvement.

À cet effet, il a étudié longuement sur lui-même les états qui accompagnent la représentation d’un mouvement réellement perçu ou simplement imaginé. Sans se prononcer sur la question controversée du « sens musculaire » et des nerfs spéciaux que quelques anatomistes lui attribuent, M. Stricker se borne à constater, à titre de fait, l’existence d’une certaine sensation concomitante des mouvements. Il fait remarquer aussi que tous les hommes ne sont pas également aptes à étudier sur eux-mêmes ces sensations musculaires. Le marcheur, le nageur, l’ouvrier, l’expérimentateur et en général tous ceux qui ont besoin de faire travailler leurs muscles avec précision ou intensité, sont beaucoup plus aptes à cette étude que le lettré, qui ne travaille que devant sa table : aussi a-t-il rencontré des hommes très intelligents dont le sens musculaire est très obtus. Doué pour son compte d’une grande finesse à cet égard, il a obtenu par de nombreuses observations les résultats suivants :

1oReprésentation toute mentale des mouvements de son propre corps. — Il est couché, les yeux fermés et se représente qu’il marche. Il doit pour en avoir une représentation nette, la lier aux organes de locomotion. C’est dans le haut de la cuisse qu’il localise le plus vivement sa sensation et cela distinctement pour chaque pas. Il la localise dans la partie supérieure du bras, s’il se représente faisant de l’escrime, etc. ; en un mot, pour tout mouvement bien organisé, la représentation est ainsi liée à certains muscles du corps.