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ANALYSES. — FERRAZ. Nos devoirs et nos droits.

l’ordre de subordination des destinées humaines aux événements astronomiques, le rôle de l’horoscope, de la médecine astrologique, des incantations, tout cela est expliqué, conté même avec une charmante indulgence. Où nous n’apercevons qu’une hallucination fantastique, nos aïeux crurent saisir sur le fait la manifestation concrète de pouvoirs qui dépassent la nature et que voile imparfaitement l’inflexible réseau du mécanisme.

Psychologie. — Force me sera de passer plus rapidement sur la théorie de l’âme, inévitablement imbue, comme les psychologies de ce temps, de péripatétisme plus ou moins compris, Que l’organe de l’âme soit par excellence Le cœur, et que dans le cœur la vertu vitale se développe, grâce à la « chaleur innée » ; que, dans le système de la connaissance, un sens supérieur, ou sens commun, assemble en une synthèse définitive les images informées que chaque sens spécial dégage ; qu’enfin l’âme, forme du corps, soit la raison de l’organisme et, comme telle, destinée à périr avec lui, ces conceptions, qui nous acheminent à la conclusion du livre, ne sont assurément point de nature à rehausser l’opinion que le lecteur se fera de la vigueur créatrice de Crémonini,

Aussi m’a-t-il, en maint endroit, semblé que la pensée de M. Mabilleau se sentait mal à l’aise dans l’étroite imitation aristotélicienne où son héros s’est complu. Volontiers il se distrait de son auteur pour se livrer à des incursions soit dans le domaine de la philosophie classique, soit parmi les doctrines antérieurement professées par les maîtres padouans. Quand telle théorie de Crèmonini est trop insuffisante, M. Mabilleau l’étaye d’un emprunt fait à Pomponace ou à Piétro d’Abano. Telle lacune est-elle à combler un souvenir d’Averroès ou d’Alexandre réparera le défaut,

De sorte que l’on entrevoit sans peine vers quelle doctrine à lui penche le choix de l’historien. Il serait sans nulle doute pour Aristote contre Platon, avec Leibnitz, malgré Descartes. Et la conception des choses, qu’il adopterait serait sans doute, celle d’un dynamisme transcendantal, suspendant les êtres aux intelligences, les intelligences aux âmes, et les âmes aux volontés. Que cette forte doctrine ressorte brutalement de ce savant livre, ce n’est nullement ce que j’entends dire. Mais un œil attentif la démêle de l’amas des rapprochements, tout comme dans une mosaïque l’on reconnaît le dessin réfléchi que l’ouvrier créa librement avec des couleurs faites et des nuances empruntées.


Georges Lyon.

M. Ferraz. — Nos devoirs et nos droits. In-8. Paris, Didier.

Nos devoirs et nos droits où morale pratique, tel est le titre du second volume du cours d’enseignement rationnel de la morale que M. Ferraz a développé devant ses auditeurs de la Faculté des lettres de