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le trouble dans les esprits avides de clarté ? Qu’est-ce qu’une vérité infinie ? Est-ce une vérité indéterminée ? Je viens d’associer l’un à l’autre deux termes qui se repoussent. Si l’on entend infini au sens de parfait, je me demande ce que peut être une vérité parfaite toute vérité clairement énoncée et comprise n’est-elle pas une vérité parfaite ? Les vérités géométriques sont de ce nombre. Or quelle relation peut-il exister entre elles et Dieu ?

Je sais bien qu’en adressant ces questions à M. Charaux on ferait preuve de mauvais vouloir : Pour atteindre au vrai, pour comprendre le vrai, il faut purifier son âme par la vertu ; l’auteur nous le rappelle dans la péroraison de sa Méthode morale. Pour que ce livre fût goûté, lui faudrait-il, par hasard, des lecteurs en état de grâce ? Nous le craignons ; aussi n’osons-nous point continuer l’analyse d’un ouvrage qui selon toute vraisemblance, est destiné à un petit nombre d’élus. En résumé, le présent livre contient une sorte de discours sur la méthode et sur les systèmes ; le style en est presque toujours distingué, malgré un singulier parti-pris d’écrire avec noblesse et de ne jamais abandonner, ne fût-ce que pour un instant, la forme oratoire. La langue est souple, riche, harmonieuse ; derrière l’écrivain, on sent une âme, une âme d’honnête homme et de chrétien convaincu, une âme qui a élu domicile sur les « templa serena » chantés par Lucrèce. Mais rien ne sert au philosophe de chercher les hauteurs, si sur ces hauteurs il ne trouve point de clartés, si pour voir de plus haut il ne réussit pas à mieux voir, si pour tout embrasser il ne sait rien étreindre. Tel est le cas de M. Charaux ; les problèmes de la philosophie le préoccupent plus qu’ils ne l’occupent ; il voudrait les simplifier, peu s’en faut qu’il ne les supprime. Est-il besoin d’ajouter qu’il ne les a simplifiés que pour lui ?

Lionel Dauriac.

Dr. Robinet. — La philosophie positive. — Germer Baillière. Bibliothèque utile. 1881.

La doctrine d’Auguste Comte a manqué de vulgarisateurs plus que de propagandistes. Rendons grâces au Dr. Robinet d’avoir eu l’excellente pensée de résumer les principes et les conséquences de cette grande encyclopédie. Il ne s’agit que d’un manuel bien modeste ; son défaut n’est pas de l’être trop, loin de là : il eût gagné infiniment à l’être davantage encore. Un philosophe qui connaît les six volumes du célèbre Cours s’y retrouve et pénètre le sens profond de ses abstractions, mais l’auteur de cette brochure, entraîné par un zèle d’ailleurs bien excusable, a trop souvent négligé de s’humaniser.

Soyons positiviste, et de bonne foi : c’est ici un devoir, en notre qualité de critique. Le tort du Dr. Robinet, de ce point de vue, est de dogmatiser outre mesure ; Comte, ce grand esprit, ne s’efforce-t-il pas à chaque page de son cours d’atténuer, de corriger, de compléter, de pré-