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DELBŒUF. — déterminisme et liberté

parabole et qu’il tombe enfin sur notre planète. Le voilà arrêté. Pour ne pas compliquer la question, regardons la Terre comme étant immobile au moment du choc. Que va-t-il se passer ?

Si l’astéroïde et la Terre sont des corps absolument durs, — supposition chimérique, — l’astéroïde va transmettre son mouvement à la Terre, qui dorénavant l’emportera avec elle, et la vitesse de ce mouvement sera en proportion inverse de la masse. Le mouvement de l’astéroïde se retrouve donc dans le mouvement de toutes les parties de la Terre. Or, si nous regardons ces parties, en tant que solidaires, comme autant de vaisseaux qui se transportent l’un l’autre, et si l’on ajoute ensemble tous ces mouvements partiels et leurs directions, on retrouvera intégralement la trajectoire de l’astéroïde.

Si l’on admet maintenant ce qui est conforme à la réalité — que le bolide et la Terre sont des corps mous, le mouvement du bolide sera transformé partie en chaleur, partie en d’autres phénomènes. Ne considérons que le mouvement vibratoire dû au calorique développé. Ce mouvement consiste en de petits sauts imprimés au bolide et à la Terre, et, si l’on plaçait convenablement ces sauts bout à bout, on retrouverait encore la trajectoire.

Il en est ainsi de la pierre qui roule. On peut donc dire, d’une manière générale, que la trajectoire d’un corps soumis à l’action de forces définies, continues et non susceptibles d’augmentation ou de diminution, est elle-même continue et définie, et garde constamment le même caractère.

Revenons à notre théorème. Il en découle immédiatement un corollaire d’une extrême importance et qui va nous servir : C’est que la trajectoire d’aucun des points d’un système soumis à un ensemble de forces initiales, définies et constantes, ne peut se composer de parties de lignes d’équations différentes, soit, par exemple, de parties de droites, de cercles ou d’ellipses, et que si, dans une certaine étendue finie, elle est une ellipse, ou un cercle, ou une parabole, ou une droite, on peut être certain que la figure entière est une ellipse, ou un cercle, ou une parabole, ou une droite. De même, on peut assurer qu’aucun des points d’un mobile quelconque ne peut être en repos pendant une portion finie de temps, quelque petite que soit cette portion.

Il n’y a d’exception apparente, dans certains cas tout d’imagination, que pour le centre de gravité d’un système absolument symétrique ; car, dans la réalité, le centre de gravité n’est qu’un point fictif, de sorte que l’exception n’en est pas une.

On peut tirer de ce corollaire une conséquence particulière assez piquante c’est qu’aucun des points d’un corps solide qui tournoie