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à la science, nous avouons ce mauvais dessein ; la physique n’achète pas trop cher ses bons rapports avec les mathématiques en les employant pour ses problèmes, et la biologie n’a pas à souffrir des concessions qu’elle fait à la chimie et à la physique ; nous croyons de même que la psychologie et la science sociale peuvent accepter à ces conditions le droit de cité qu’on leur offre. On ne le leur a jamais refusé que parce qu’elles le réclamaient avec hauteur et qu’elles prétendaient introduire avec elles un cortège compromettant de méthodes surannées et de problèmes insolubles.

Protozoaires. — L’histoire de l’individualité commence pour M. Perrier avec celle de l’organisation et de la vie ; on en trouve même comme une annonce dans ce qu’il appelle poétiquement la personnalité de l’atome. L’atome offre quelque chose de constant, il a son caractère en quelque sorte spécifique, c’est le mode de mouvement dont il est animé ; mais qui sait si les particules d’éther qui le composent ne sont pas incessamment renouvelées par une sorte de nutrition ? Ne peut-on pas discerner aussi dans la sérié des atomes des modes de mouvement de plus en plus complexes, et dés ensembles de propriétés de plus en plus riches, apparus successivement aux diverses parties de l’évolution astronomique de notre globe ? Et n’est-ce pas de là que vient pour eux l’aptitude à former des composés chimiques de plus en plus variés ? « Quelle différence entre le petit nombre de composés fournis par les métaux précieux et la multitude infinie des composés du carbone ! » La loi de l’individualité par association trouverait ainsi dans le domaine de la chimie sa première application et l’unité vitale la plus simple ne serait qu’un mode de groupement nouveau qui aurait à un moment entraîné dans son tourbillon un composé chimique déjà extrêmement complexe. Evénement mémorable dans l’histoire de cette planète, qui se serait produit en des lieux et sous des formes multiples au moment où les éléments matériels formaient des combinaisons chimiques de plus en plus stables et semblaient, comme si leur fécondité était épuisée, chercher un éternel repos. Les protoplasmes entrent alors en scène ; leur histoire est celle de leurs groupements et de leurs différenciations ultérieures.

Mais, bien que la vie ne soit qu’un mode spécial de mouvement, elle ne saurait, suivant M. Perrier, passer pour le résultat d’une évolution progressive, d’une transformation continue d’éléments antérieurs. C’est une erreur de prétendre, comme l’a fait Oken, comme le fait encore de nos jours Hæckel, que l’histoire de la vie n’est qu’un chapitre particulier de la chimie du carbone. :

Sans attribuer à la vie des volontés capricieuses, sans y voir autre